dimanche 19 mai 2019

Sélection Officielle Cannes 2019 : "Douleur et gloire" de Pedro Almodovar

Voir un film d’Almodovar aujourd’hui équivaut à regarder un film de Losey, de Mankiewicz ou de Bergman. La marque d’une très grande maîtrise du cinéma apparaît dans chaque plan et chaque séquence, construite à partir d’un matériau dramaturgique dense et complexe. L’articulation du récit proposé ici, entre passé et présent, donne à reconstituer l’itinéraire d’un homme, Salvador Mallo qui est aussi un artiste, un auteur et un metteur en scène. Inutile de dire que Pedro Almodovar opère sa propre radiographie par le filtre de son acteur fétiche Antonio Banderas. Il n’est pas le premier à s’être livré à l’exercice si l’on pense à  8 ½ de Fellini ou à Stardust memories de Woody Allen. Comment naît le désir d’un créateur, quels sont les mécanismes qui vont l’inciter à produire une nouvelle œuvre, à partir de quelle confusion ? 
Ce désir est au cœur même de  Dolor y Gloria. Désir par lequel tout commence, clé majeure de l’orientation de notre regard, de nos sens et par lesquels nous accomplissons le scénario de notre vie. C’est dans la quête du désir originel (à la fois charnel et créatif pour l’artiste) qu’est construit le film dont la trame pourrait s’apparenter à celle d’une intrigue policière. Salvador Mallo, en manque d’inspiration et qui trouve refuge dans les psychotropes, a connu son heure de gloire en réalisant des films montrés partout à travers le monde. Il ne produit désormais plus rien, se laissant aller à la paresse, aux drogues, au néant. Des flashes de son enfance lui reviennent en mémoire et il va tenter de refaire le chemin sans savoir que se trouve niché quelque part la clé qui lui permettra de retrouver son inspiration. 
A quel moment s’est produite la naissance du premier désir, quel en a été l’objet, qui et comment en retrouver la trace ? Le premier plan du film illustre parfaitement ce à quoi nous allons assister et qui ne manque pas d’humour : Mallo, en état de flottement dans une piscine (au sens propre comme au figuré) se prépare à sa propre immersion. Puis premier flashback et retour aux sources, à l’enfance et à la figure de la mère, incarnée par Penelope Cruz. Toute la suite sera un aller et retour entre hier et aujourd’hui, comme un ballottement entre désir de comprendre et désir de retrouver ce qui a été perdu, au travers d'images qui vont prendre une part capitale s’agissant ici du personnage d’un cinéaste.
Revenant sur les traces de l’enfance c’est aussi de mélancolie dont le film est empreint, comme dans ces autobiographies qu’on livre à l’automne de la vie lorsque nous acceptons de porter un regard tendre sur nos jeunes années, délivrés de passions destructrices et ayant fait la paix avec nous-mêmes, avec nos démons, nos égarements. Antonio Banderas est exceptionnel et d’une déchirante humanité (je parierai bien sur une Palme d’Interprétation) comme tous les autres acteurs, excellents, Asier Etxeanda et Leonardo Sbaraglia en tête. Un Almodovar lumineux au goût des Fraises sauvages d’Ingmar Bergman.


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