vendredi 17 mai 2019

Séances Spéciales Cannes 2019 : Être vivant et le savoir d'Alain Cavalier

 Un film comme un collage, un film de famille, un film de souvenirs. Un homme et une caméra, l'un et l'autre faisant corps pour un grand film « d'amateur » dans ce qu'il y a de plus pur et qui nous rappelle les paroles de Jean Cocteau filmant en 16 mm la Villa Santo Sospir : « Étant un professionnel j'ai voulu faire un film d'amateur sans m'encombrer d'aucune règle ». Alain Cavalier qui lui aussi est un poète nous ouvre des fragments de son journal à une date précise de sa vie : celle où il doit tourner un film avec sa meilleure amie la romancière Emmanuelle Bernheim (disparue en 2017 et qui fut notamment scénariste de François Ozon) tournage qui s'interrompt lorsque celle-ci apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. 
Regarder Être vivant et le savoir c'est entrer dans l'intimité d'un homme qui écrit et filme des morceaux de vie, entre deux portes, deux pages, deux objets. Avec une tendresse inouïe l'auteur de Thérèse va accompagner son amie durant le traitement de sa maladie jusqu'au départ d'Emmanuelle, décidé par elle-même. Le film est bouleversant parce que l'empathie du cinéaste accompagne chaque plan du film, fait de murmures, de vie végétale, de présences d'oiseaux, de chats, habitants les lieux intimes et mystérieux filmés par Alain Cavalier lui-même. La beauté du film émane de sa délicatesse, de sa simplicité, de son épure. La petite caméra qui est un véritable personnage accompagne avec douceur l'oeil du cinéaste qui aime filmer les mots, les photos, les fruits, les natures mortes. Dans son « atelier de peinture », si j'ose dire, l'oeil observe avec une acuité remarquable les petites choses de la vie, si familières et si aimées qu'elles en deviennent immenses.
Voir Rester vivant et le savoir c'est partager ces moments faits de silences où la notion du temps retrouve son essence et où durant 80 mn de projection nous sommes touchés par la grâce. Ce magnifique poème d'amour pour la vie et peut-être son ailleurs nous a au Festival de Cannes traversés.


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