dimanche 8 novembre 2020

Revoir "Fortunat" (1960) d'Alex Joffé

    Pour avoir revu Fortunat (1960) d’Alex Joffé, force est de constater que ce beau film montre une nouvelle fois l’extraordinaire capacité d’André Bourvil à exprimer une large palette d’émotions et où son degré de gravité atteint ici son point d’orgue. Passant du simplet alcoolique au stade de l’homme mur transfiguré par son amour pour le personnage de Michèle Morgan, c’est peut-être dans la dernière partie du film, lorsqu’il découvre que cet amour ne pourra être partagé, que Bourvil fait éclore sa sensibilité la plus exacerbée. Son visage soudain plongé dans l’obscurité dessine la marque profonde d’une solitude qu’on ne lui connaissait pas. Mieux encore, il réussit à nous toucher au plus profond dans l’acceptation de ce désespoir, l’acteur ne pouvant se résigner au moindre défaut de sincérité qui nous aurait fait entrevoir un happy end des plus convenus.

    L’argument du film, adapté du roman Fortunat ou le père adopté de Michel Breitman, expose une famille de résistants réfugiée à Toulouse sous l’Occupation ayant pour voisins une famille de juifs reclus dans la clandestinité. De l’amour entre les uns et les autres vont se tisser les fils d’un bonheur éphémère, obscurci et anéanti par les heures sombres du nazisme.

    Michèle Morgan, qu’on a trop souvent considéré comme une beauté froide et distante, se délie ici sous la caméra d’Alex Joffé pour faire apparaître, notamment dans la scène de danse, une sensualité échevelée tout à fait bouleversante. Film à revoir sans modération, Fortunat, s’il n’est pas un modèle d’écriture cinématographique, n’en est pas pour le moins un splendide mélodrame qui doit tout aux acteurs et où la vie qui tente de battre malgré tout fait figure d’acte de résistance face aux blessures mortifères de la France occupée.




Le journal de Fahrenheit 451 (1966) par François Truffaut

Dans la lignée de son livre sur Hitchcock et du film La nuit américaineLe journal de Fahrenheit 451, écrit en 1966 par François Truffaut, est une bible précieuse pour tout cinéaste, cinéphile ou amateur de cinéma. On y apprend quasiment tout de la fabrication d’un film durant sa course contre la montre pour le terminer, de la relation aux acteurs, à la technique en passant par les mille et une choses qui amènent un metteur en scène à s’adapter en permanence. Que ce soit sous la pluie ou sous la neige avec d’incessantes contraintes de tous bords, le seul objectif est d’enchaîner le plus rapidement possible les plans du film à tourner. Dans ce train du tournage lancé à grande vitesse, le cinéaste vieillit de deux ans en quelques mois. C’est ainsi que le réalisateur de Fahrenheit 451 résume son expérience éprouvante et quelque peu décevante de cet « étrange film » (sic) tourné aux studios de Pinewood pour Universal. Si les techniques de tournage ont évolué depuis, ce document n’en reste pas moins un outil précieux à l’usage des nouvelles générations. Il nous en dit davantage que n’importe quel making of.