Un récit dense et passionnant de 2h20 qui nous plonge dans les guerres de clans entre familles siciliennes au coeur de Cosa Nostra. À travers le personnage emblématique de Tommaso Bruscetta qui permit l'arrestation de plus d'une centaine de membres de la mafia après ses révélations au juge Falcone dans les années 80, c'est tout un pan de l'Histoire italienne contemporaine qui est relatée ici dans la tradition des films de Francesco Rosi. Depuis la capture de Bruscetta au Brésil en 1963, Bellocchio s'est intéressé à la personnalité particulièrement complexe d'un repenti considéré comme l'un des premiers à avoir brisé l'omerta. L'acteur Pier Francesco Favino est extraordinaire. Doté d'une ressemblance étonnante avec le vrai Bruscetta, Favino porte le film sur ses épaules et réussit à retranscrire tout l'aspect énigmatique d'un personnage hors normes, faisant voler en éclats les archétypes de mafiosi représentés à l'écran. Doté de solides convictions dans ses valeurs, Bruscetta incarne la transition entre un monde ancien où les codes d'honneur étaient en vigueur et l'ère moderne où, débarrassée de ses traditions, les nouvelles générations de la mafia sont devenues encore plus violentes en multipliant les meurtres de femmes et d'enfants au sein des clans. En désaccord avec ces méthodes Bruscetta rompit brutalement le cercle. En toute conscience et au péril de sa vie il se rangea du côté de l'Etat et contribua à démanteler tout l'organigramme des chefs de la mafia devant les autorités lors d'un procès retentissant qui conduisit à l'emprisonnement à vie de Totò Riina. C'est la fin d'une ère que Bellocchio dépeint et qui aura pour conséquence l'assassinat en représailles du juge Falcone ainsi que le départ sous protection de Bruscetta vers les Etats-Unis jusqu'à la fin de sa vie en 2000. Le film met à jour une documentation sidérante sur le dispositif pyramidal de la mafia sicilienne, chacun de ses membres ayant une fonction digne d'une organisation gouvernementale. Il faut louer le travail de Bellocchio et de ses scénaristes qui entremêlent thriller et film historique dans la lignée des grands films italiens des années 70.
Pier Francesco Favino Le traître de Marco Bellocchio (2018)
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