mercredi 20 janvier 2016

Ciao maestro !


Disparition d’Ettore Scola. Nous nous sommes tant aimés sur La terrasse. Le Bal fut La plus belle soirée de ma vie, une véritable Passion d'amour. Après Le dîner avec La famille nous nous posâmes la question : Nos héros retrouveront-ils leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?  C'est alors que quelqu'un demanda:  Quelle heure est-il ? avant que ne vienne le Drame de la jalousie. Nous n'étions pourtant pas Affreux, sales et méchants. Oui ce fut vraiment Une journée particulière. Au cœur de La nuit de Varennes nous entreprîmes alors Le voyage du capitaine Fracasse après avoir quitté les lieux en disant : Mesdames et messieurs bonsoir.

jeudi 14 janvier 2016

Des Césars pour la Castafiore ?


Tragique, drôle, intelligent et superbement interprété par Catherine Frot, André Marcon et Michel Fau, Marguerite est le film français de l'année 2015 qui mériterait d'être récompensé par une pléiade de Césars, sans oublier les décors et les costumes. Librement inspiré de la cantatrice Florence Foster Jenkins, connue et ridiculisée pour son incapacité à chantée correctement et qui sévit dans le New-York des années 1920, le film Marguerite de Xavier Giannoli est aussi une extraordinaire métaphore sur le malentendu. Rien n'arrive jamais dans ce film à se dérouler dans l'ordre des choses, on se croirait presque chez les Marx Brothers qui viendraient s'inviter chez Maupassant. A la fois cruel et tendre, le film comporte de savoureuses séquences. Il faut voir la scène où Marguerite fait appel à un professeur de chant et interprète les Noces de Figaro. Si Mozart ne se retourne pas dans sa tombe, de l'endroit où il se trouve il a dû rire à gorge déployée. Le scénario, formidable, est particulièrement inventif et il y a une grande justesse de ton dans le regard que porte Giannoli sur la bourgeoisie de l'époque et sur la société du spectacle. Un film français lumineux qui fait plaisir à voir après 20 déceptions qui ont plombé l'automne 2015. On attend avec impatience la version de Stephen Frears qui, sans être un remake, s'est emparé du même sujet.

 Catherine Frot dans Marguerite (2015) de Xavier Giannoli

mardi 12 janvier 2016

David Bowie, life on Mars


Je devais avoir 13 ou 14 ans lorsque je suis tombé pour la première fois sur un morceau de David Bowie, The Jean Genie, dans une cave qui servait pour les boums. Ce fut plus qu’une révélation, un véritable choc. La voix, le son de la guitare, les paroles m'entraînaient vers un monde qui balayait les musiques entendues jusque là. C’était comme un film de S.F, une autre planète où tout semblait gronder comme un avertissement. Bowie réinventait le rock et ce n’était qu’un début. Le lendemain je commençai à économiser mon argent de poche et filai plus tard chez un disquaire pour acquérir l’album  Aladdin sane. De retour chez moi je provoquai la stupeur en arborant la pochette blanche sur laquelle l’artiste maquillé et à moitié nu était bardé d’un éclair lui zébrant le visage : « C’est quoi cette pochette ?» « Et bien c’est Bowie… ». Je mis le disque sur la platine et les morceaux s’enchaînèrent à rendre fous les voisins : Watch that man, Panic in Detroit, Drive in Saturday, le gigantesque Time et la reprise de Let’s spend the night together des Stones. A l’écoute de Aladdin sane, la maisonnée n’en put plus et  craqua. Les parents dirent que ce disque était celui d’un dément, pas de la musique mais une aliénation pour cerveau malade. Je jubilais. Tout était bon dans cet album que j’écoutai en boucle, admiratif du mélange de pop et de free-jazz où piano, cuivres, synthés et guitares se mixaient génialement.

Ce disque provoqua la rupture nette et définitive avec une partie de ma famille et de mes amis. Jamais rien ne serait plus comme avant. Dans cet autre monde qui ne faisait plus de place à l’ancien, je montai mes premiers courts-métrages sur The prettiest star, The Lady grinning soul et Sorrow, écrivais des scénarios à partir de morceaux de Bowie. Pour dire à quel point l’artiste a eu une influence sur ma vie, il suffisait que je trouve un album de Bowie chez une fille pour être persuadé que j’avais trouvé ma moitié. Toutes ces décennies passées avec ses merveilleux albums, sa voix unique, son personnage à la fois hors du temps et inspiré, ont éclairé d’une flamme bienveillante mon inspiration, comme stoppée aujourd’hui par la nouvelle de sa disparition aussi soudaine que choquante tant l’artiste nous avait habitué à une sorte d’immortalité. Je reviens ce soir à mon stade d’humain, un peu hagard, pour me rappeler que tout a une fin. A moins que, peut-être, la vie existe sur Mars...

lundi 4 janvier 2016

Michel Galabru, jour de relâche


À 93 ans il s’est éteint dans son sommeil dès le début de 2016. Il avait fait son temps et quel temps ! Acteur dans plus de 200 films depuis 1950 il avait tout joué, au cinéma, à la télévision et au théâtre, de Shakespeare à Molière en passant par Montherlant, Feydeau, Jules Romains, Goldoni ou Marcel Pagnol. César du Meilleur Acteur en 1977 pour son rôle inoubliable de Bouvier dans Le juge et l’assassin de Bertrand Tavernier et Molière du Meilleur Comédien en 2008 pour Les Chaussettes opus 124, il s’était fait aussi spécialiste du « nanar » à la française, mais chacune de ses apparitions ne manquait pas de sel. Jean-Pierre Mocky, Georges Lautner, Bertrand Blier, Pascal Thomas, Claude Berri, Jean Becker, Jean Marboeuf ou Luc Besson, entre autres, ne s’y étaient pas trompés en lui confiant d’inoubliables personnages dont certaines répliques sont devenues cultes. Qui ne se souvient de « Police, menottes, prison ! » dans Subway .  

Le juge et l’assassin (1976)

A mes débuts j’ai eu la chance de travailler avec lui sur ce film, allant le chercher chez lui tous les matins. Il me recevait en pyjama, hirsute, grognon, mais prêt à décoller quelques minutes plus tard. Une fois dans ma voiture il me lançait alors un « Arrêtez-moi pour la presse ! » et dévalisait la moitié d’un kiosque à journaux. Puis il se plongeait dans une multitude de magazines et j’avais droit à de copieux commentaires. Sacré Michel ! Un acteur, un personnage, un géant de la vie et de la comédie. Nous avons passé ensemble de bons moments. Tragi-comique, souvent génial, pince-sans rire et particulièrement lucide, des comme lui il n’y en avait pas deux. Pour preuve cette réaction face à un journaliste lui demandant quel conseil donner aux jeunes actrices : « Je conseille toujours à une jeune fille qui veut percer au cinéma de monter à moitié nue sur un chameau et de rentrer dans le hall du Carlton pendant le festival de Cannes. Elle aura tous les journaux et tous les photographes alors que si elle joue bien Phèdre à la Comédie Française elle n’aura que trois lignes. C’est vous la presse qui fabriquez les gens, mais quelquefois ce sont des fausses valeurs ! » Respect et admiration pour ce grand acteur et homme de cœur. Qu’il repose en paix.
Astérix et Obélix contre César (1999)

mercredi 30 décembre 2015

« Le pont des espions » : sur les traces de John Ford et d'Otto Preminger


Le pont des espions, adapté de l’histoire vraie de William Fischer alias Rudolf Abel, relate l’arrestation à New-York en 1957 d’un agent soviétique infiltré aux Etats-Unis durant la guerre froide et destiné à fournir au KGB des renseignements sur les armes nucléaires. Inquiet lui-même des dangers que représentait le monopole américain des armes atomiques, Fischer, qui nia jusqu’au bout, échappa de peu à la chaise électrique, contrairement aux espions Jules et Ethel Rosenberg qui furent exécutés en raison de leur nationalité américaine. L’avocat de Fischer, James B. Donovan (interprété dans le film par Tom Hanks) pointa du doigt un vice de forme lors du procès : il prouva que Fischer, citoyen russe de nationalité anglaise, avait agi légalement en tant que soldat au service de son pays, tout comme agissaient les espions américains infiltrés en URSS pour le compte de Washington. 




Démocrate convaincu, Donovan, à travers son vigoureux plaidoyer en faveur de l’espion russe, proposa aux autorités américaines d’échanger Fischer contre un espion américain, Francis Gart Powers, pilote emprisonné par le KGB pour avoir photographié des sites secrets servants de tests aux missiles.  C’est de la transition entre l’ère maccarthyste anticommuniste et celle des premiers échanges entre espions russes et américains dont parle le film.



Ce qui intéresse Spielberg est le point de vue non conventionnel dans son rapport à l’Histoire. Qu’il s’agisse de son traitement de l’affaire de l’Amistad devenue par la suite symbole du mouvement pour l'abolition de l'esclavage, de La liste de Schindler qui éclairait des faits durant la Shoah longtemps ignorés du public, de Munich sur l’opération du Mossad suite aux attentats des Jeux Olympiques de 1972 et qui évoquait le fil ténu entre terrorisme et réponse par le sang, ou encore Lincoln, décrivant le combat pour ratifier le 13e amendement de la Constitution des États-Unis et abolir l’esclavage, le cinéaste aime à explorer, à donner connaissance à la jeune génération de faits qui ne sont plus enseignés dans les écoles. Cet engagement poussa également Spielberg et son compatriote Tom Hanks à produire la série TV Bands of Brothers pour transmettre aux jeunes américains qui l’ignoraient, l’histoire de leurs ancêtres lors du Débarquement.

Comme dans Lincoln le cinéaste s’intéresse dans Le pont des espions au regard porté par la société sur les préjugés. Les préjugés raciaux font place ici à ceux de l’anticommunisme et du rejet de la nation soviétique dans son ensemble, les dirigeants américains incitant leur peuple à condamner les pratiques de l’ennemi tandis que les Etats-Unis jouaient un même jeu derrière le rideau de fer. Le personnage de Donovan, en tant que bouc émissaire, joue un rôle fondamental dans les prises de conscience et il n’hésite pas à mettre en parallèle Etats-Unis et URSS dans leurs jeux stratégico-militaires lors de la guerre froide. 


Qui plus est, le film met l’accent sur l’Amérique conformiste en plein essor de l’après-guerre, enfermée dans ses carcans et sans politique d’ouverture sur le monde. On ignore tout Outre Atlantique de la construction du mur de Berlin, des exécutions de masse pour ceux qui tentèrent de s’en échapper et que le film s’attarde à nous décrire sans esbroufe, chacun vivant dans son confort tranquille, de la parfaite épouse modèle à l’écolier que l’on saupoudre des bienfaits de la bombe atomique. Le regard du cinéaste est lucide, acéré, et c’est aux bouleversements des décennies futures que le film semble nous préparer. Donovan, dont le regard sur le rêve américain s’assombrit au fur et à mesure de sa quête, prend conscience de ce qui se trame en Occident, lui  l’Américain bien tranquille pour paraphraser Graham Greene. La force du film est aussi d’établir un parallèle entre  l’Histoire hier et celle d’aujourd’hui, tout ne semblant finalement qu’éternel recommencement.



Spielberg l’a prouvé, il peut autant nous donner de divertissement que de réflexion. Magicien du 7e art, expert en suspense et en morceaux de bravoure lorsqu’il s’agit du film d’aventures, il sait aussi poser sa caméra, étudier un environnement et s’engager lorsqu’il tourne des films plus pointus. Vous l’aurez compris, Le pont des espions est de ceux-là. La mise en scène est sobre, pour un peu on dirait un film d’Otto Preminger ou de John Ford, et le cinéaste apparaît, avec Clint Eastwood, comme l’un des derniers grands classiques d’Hollywood . C’est remarquable de justesse et Tom Hanks et Mark Rylance, acteur shakespearien tout droit sorti de la Royal Academy of Dramatic Art de Londres y sont tous deux admirables.