Je devais avoir 13 ou 14 ans lorsque
je suis tombé pour la première fois sur un morceau de David Bowie, The Jean
Genie, dans une cave qui servait pour les boums. Ce fut plus qu’une révélation,
un véritable choc. La voix, le son de la guitare, les paroles m'entraînaient vers un monde qui balayait les musiques entendues jusque là.
C’était comme un film de S.F, une autre planète où tout semblait gronder comme
un avertissement. Bowie réinventait le rock et ce
n’était qu’un début. Le lendemain je commençai à économiser mon argent de
poche et filai plus tard chez un disquaire pour acquérir
l’album Aladdin sane. De retour chez moi
je provoquai la stupeur en arborant la pochette blanche sur laquelle l’artiste
maquillé et à moitié nu était bardé d’un éclair lui zébrant le visage : « C’est
quoi cette pochette ?» « Et bien c’est Bowie… ». Je mis le disque sur la
platine et les morceaux s’enchaînèrent à rendre fous les voisins : Watch that
man, Panic in Detroit, Drive in Saturday, le gigantesque Time et la reprise de Let’s
spend the night together des Stones. A l’écoute de Aladdin sane, la maisonnée
n’en put plus et craqua. Les parents dirent que ce disque était celui d’un dément, pas de la musique mais une aliénation pour cerveau malade. Je
jubilais. Tout était bon dans cet album que j’écoutai en boucle, admiratif du
mélange de pop et de free-jazz où piano, cuivres, synthés et guitares se
mixaient génialement.
Ce
disque provoqua la rupture nette et définitive avec une partie de ma famille et
de mes amis. Jamais rien ne serait plus
comme avant. Dans cet autre monde qui ne faisait plus de place à l’ancien, je
montai mes premiers courts-métrages sur The prettiest star, The Lady grinning
soul et Sorrow, écrivais des scénarios à partir de morceaux de
Bowie. Pour dire à quel point l’artiste a eu une influence sur ma vie, il suffisait que je trouve un album de Bowie chez une
fille pour être persuadé que j’avais trouvé ma moitié. Toutes ces décennies passées
avec ses merveilleux albums, sa voix unique, son personnage à la fois hors du
temps et inspiré, ont éclairé d’une flamme bienveillante mon inspiration, comme stoppée
aujourd’hui par la nouvelle de sa disparition aussi soudaine que
choquante tant l’artiste nous avait habitué à une sorte d’immortalité. Je
reviens ce soir à mon stade d’humain, un peu hagard, pour me rappeler que tout
a une fin. A moins que, peut-être, la vie existe sur Mars...
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