mercredi 22 mai 2019

Séléction Officielle Cannes 2019 : "Once upon a time... in Hollywood" de Quentin Tarantino

Un film sur les acteurs, sorte de western barré, plus spaghetti que hamburger, durant la période la plus déjantée de la deuxième moitié du XXe siècle: les années 60. Forme d'hommage aussi à nombre de figures célèbres qu'on retrouvera dans le film, humour bien sûr omniprésent (la séquence avec Bruce Lee vaut son pesant d'or) et bande originale de choix dans ce cinémascope flamboyant en 35 mm. Pur plaisir de cinéma, flashback sur les jeunes années de cinéphile de Quentin Tarantino. Brad Pitt est génial et il faut bien dire que son réalisateur aime tellement le cinéma qu'il nous offre un feu d'artifice de sa passion intacte et sans limites pour le septième art. Je ne dévoilerai rien d'autre conformément à son voeu mais la surprise est de taille et accrédite plus que jamais la fameuse formule de François Truffaut: « Les films sont plus harmonieux que la vie ».


dimanche 19 mai 2019

Sélection Officielle Cannes 2019 : "Douleur et gloire" de Pedro Almodovar

Voir un film d’Almodovar aujourd’hui équivaut à regarder un film de Losey, de Mankiewicz ou de Bergman. La marque d’une très grande maîtrise du cinéma apparaît dans chaque plan et chaque séquence, construite à partir d’un matériau dramaturgique dense et complexe. L’articulation du récit proposé ici, entre passé et présent, donne à reconstituer l’itinéraire d’un homme, Salvador Mallo qui est aussi un artiste, un auteur et un metteur en scène. Inutile de dire que Pedro Almodovar opère sa propre radiographie par le filtre de son acteur fétiche Antonio Banderas. Il n’est pas le premier à s’être livré à l’exercice si l’on pense à  8 ½ de Fellini ou à Stardust memories de Woody Allen. Comment naît le désir d’un créateur, quels sont les mécanismes qui vont l’inciter à produire une nouvelle œuvre, à partir de quelle confusion ? 
Ce désir est au cœur même de  Dolor y Gloria. Désir par lequel tout commence, clé majeure de l’orientation de notre regard, de nos sens et par lesquels nous accomplissons le scénario de notre vie. C’est dans la quête du désir originel (à la fois charnel et créatif pour l’artiste) qu’est construit le film dont la trame pourrait s’apparenter à celle d’une intrigue policière. Salvador Mallo, en manque d’inspiration et qui trouve refuge dans les psychotropes, a connu son heure de gloire en réalisant des films montrés partout à travers le monde. Il ne produit désormais plus rien, se laissant aller à la paresse, aux drogues, au néant. Des flashes de son enfance lui reviennent en mémoire et il va tenter de refaire le chemin sans savoir que se trouve niché quelque part la clé qui lui permettra de retrouver son inspiration. 
A quel moment s’est produite la naissance du premier désir, quel en a été l’objet, qui et comment en retrouver la trace ? Le premier plan du film illustre parfaitement ce à quoi nous allons assister et qui ne manque pas d’humour : Mallo, en état de flottement dans une piscine (au sens propre comme au figuré) se prépare à sa propre immersion. Puis premier flashback et retour aux sources, à l’enfance et à la figure de la mère, incarnée par Penelope Cruz. Toute la suite sera un aller et retour entre hier et aujourd’hui, comme un ballottement entre désir de comprendre et désir de retrouver ce qui a été perdu, au travers d'images qui vont prendre une part capitale s’agissant ici du personnage d’un cinéaste.
Revenant sur les traces de l’enfance c’est aussi de mélancolie dont le film est empreint, comme dans ces autobiographies qu’on livre à l’automne de la vie lorsque nous acceptons de porter un regard tendre sur nos jeunes années, délivrés de passions destructrices et ayant fait la paix avec nous-mêmes, avec nos démons, nos égarements. Antonio Banderas est exceptionnel et d’une déchirante humanité (je parierai bien sur une Palme d’Interprétation) comme tous les autres acteurs, excellents, Asier Etxeanda et Leonardo Sbaraglia en tête. Un Almodovar lumineux au goût des Fraises sauvages d’Ingmar Bergman.


samedi 18 mai 2019

Sélection Officielle Cannes 2019 : "Sorry we missed you" de Ken Loach

Ken Loach est sans conteste l’un des plus grands cinéastes du monde. On peut désapprouver ses opinions politiques, la justesse des faits qu’il décrit dans Sorry we missed you  et son regard sur le capitalisme à outrance n’en sont pas moins chargés d’une analyse pertinente concernant les effets destructeurs de tout un système sur les classes modestes. Le constat ici est même plus alarmant encore que dans les précédents films. Prenant pour exemple une famille de Newcastle réduite à l’état d’esclave par l’économie de marché, Loach dans la première partie du film, analyse d’abord les raisons du mal être social : pénibilité du travail, despotisme de l’employeur soumis lui-même au rendement, incitation à s’endetter dans l’espoir d’un meilleur lendemain, pénalisations financières et autres offensives d’un système qui finit par écraser la cellule familiale déjà en état de précarité. La mère accumule les tâches tout en étant limitée par l’absence d’un moyen de transport dont elle ne peut bénéficier, le père croule sous les heures de travail à force des pressions d’un patron soumis aux diktats d’Amazon et leur fils, adolescent en révolte peu doué pour les études, se résout à lutter contre un modèle sociétal qu’il perçoit comme sans avenir. Seule la fillette du couple s’accroche comme éperdue à des restes d’enfance, tentant de rassembler les derniers liens d’une famille au bord de l’implosion.
La force des scènes décrites par Loach et son scénariste Paul Laverty atteint de plein fouet le spectateur le plus aguerri. Si la crise économique des années 1930 aux Etats-Unis avait donné pour film emblématique Les raisins de la colère  de John Ford, ils se pourrait bien que Sorry we missed you incarne à lui seul le ravage occasionné à la fois par le projet néolibéral de l’Union européenne et par celui, non moins dangereux du Brexit dans les milieux ouvriers de l’Angleterre des années 2010.
C’est d’abord l’empathie qui domine les personnages de premier plan chez Ken Loach. Conscients de leurs limites et de leurs excès, la violence n’est jamais une fin en soi. Forts en actions et en initiatives, soudés par des valeurs familiales puissantes, c’est la raison qui prime avant tout. Plutôt que de se livrer au chaos on multiplie les tentatives de rapprochement, de dialogue, de communication et l’injustice démontrée n’en est que plus percutante, prenant véritable valeur de dénonciation. 
C’est pour cela que le film touche, observant au plus près et avec une rare authenticité les agissements des uns et des autres au cœur du tissu social. Qui plus est il nous laisse le libre arbitre. Chacun reconnaîtra dans un final pour le moins bouleversant le choix qui lui est propre de vivre ou de mourir lorsqu’on a tout tenté et que la responsabilité individuelle se présente à nous.


vendredi 17 mai 2019

Séances Spéciales Cannes 2019 : Être vivant et le savoir d'Alain Cavalier

 Un film comme un collage, un film de famille, un film de souvenirs. Un homme et une caméra, l'un et l'autre faisant corps pour un grand film « d'amateur » dans ce qu'il y a de plus pur et qui nous rappelle les paroles de Jean Cocteau filmant en 16 mm la Villa Santo Sospir : « Étant un professionnel j'ai voulu faire un film d'amateur sans m'encombrer d'aucune règle ». Alain Cavalier qui lui aussi est un poète nous ouvre des fragments de son journal à une date précise de sa vie : celle où il doit tourner un film avec sa meilleure amie la romancière Emmanuelle Bernheim (disparue en 2017 et qui fut notamment scénariste de François Ozon) tournage qui s'interrompt lorsque celle-ci apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. 
Regarder Être vivant et le savoir c'est entrer dans l'intimité d'un homme qui écrit et filme des morceaux de vie, entre deux portes, deux pages, deux objets. Avec une tendresse inouïe l'auteur de Thérèse va accompagner son amie durant le traitement de sa maladie jusqu'au départ d'Emmanuelle, décidé par elle-même. Le film est bouleversant parce que l'empathie du cinéaste accompagne chaque plan du film, fait de murmures, de vie végétale, de présences d'oiseaux, de chats, habitants les lieux intimes et mystérieux filmés par Alain Cavalier lui-même. La beauté du film émane de sa délicatesse, de sa simplicité, de son épure. La petite caméra qui est un véritable personnage accompagne avec douceur l'oeil du cinéaste qui aime filmer les mots, les photos, les fruits, les natures mortes. Dans son « atelier de peinture », si j'ose dire, l'oeil observe avec une acuité remarquable les petites choses de la vie, si familières et si aimées qu'elles en deviennent immenses.
Voir Rester vivant et le savoir c'est partager ces moments faits de silences où la notion du temps retrouve son essence et où durant 80 mn de projection nous sommes touchés par la grâce. Ce magnifique poème d'amour pour la vie et peut-être son ailleurs nous a au Festival de Cannes traversés.


vendredi 28 décembre 2018

Sur Arte : "La mort aux trousses" (1959) d'Alfred Hitchcock

North by Northwest (La mort aux trousses, 1959. Hitchcock maître absolu du récit et ce dès les premières images. Pas une seconde de temps mort, chaque plan  à sa place, dans son juste cadrage, sa juste durée. Pas plus, pas moins. La version restaurée permet de mieux encore saisir chaque détail de ce chef d’œuvre absolu qui est un modèle de construction cinématographique. La modernité d’Hitch est affolante. Il a tout inventé de ce que nous voyons aujourd’hui dans le moindre film de genre, la moindre série. Il nous offre ici en prime un récital d’humour éblouissant, le film prenant à maintes reprises les allures d’une comédie pour le moins inattendue dans un thriller à suspense de ce type. 
Comme à l’accoutumée ce qui intéresse le réalisateur de Psychosec’est le puzzle qu’il donne à reconstituer au spectateur, lui en livrant parcimonieusement chaque pièce tout au long des 2h15 de projection qui passent comme une étoile filante. Et là où il demeure le roi c’est que partout où on l’attend, il ne cesse de surprendre par quelque trouvaille géniale. La séquence de la salle des ventes où Tornhill passe pour un acquéreur demeuré pour échapper à ses poursuivants est à ce titre un morceau d’anthologie que tous les élèves devraient étudier dans les écoles de cinéma.
Qui plus est Hitchcock reste un maître dans son utilisation de l’espace : la configuration des lieux, leurs proportions dans l’agencement de l’histoire, de la ville avec ses buildings aux confins du désert, tout tend à créer un sentiment de déphasage permanent qui ajoute encore à la dimension labyrinthique du récit. Il y a des plans géniaux dans La mort aux trousses tel cet écrasant plan large en plongée à l’O.N.U où l’on suit le trajet de Tornhill pas plus grand qu’une abeille qui accourt vers un taxi, sans parler de la fameuse séquence de l’arrêt d’autobus en plein désert où l’avion fonce sur Cary Grant ou bien encore tout le final au mont Rushmore.
Savoureuse enfin la dimension érotique du film qui atteint des sommets dans la séquence du wagon-lit : tout est conçu une nouvelle fois pour dérouter le spectateur à travers les retournements de situations et le jeu auquel se livrent Eva Marie Saint et Cary Grant. Hitchcock, jamais à court, s’amuse, se régale, pimente à souhaits son plat et use de tours de passe-passe pour le moins jubilatoires. La mort aux trousses est incontestablement l’un des sommets de l’œuvre d’Hitchcock.



samedi 19 mai 2018

Sortie DVD des "Lettres portugaises"


Bonne nouvelle que la sortie DVD des Lettres portugaises, film arraché à la vie que j’ai réalisé en 2014. L’aventure commença dans un jardin public avec l’actrice Ségolène Point qui initia le projet. Au moment où nous nous demandions comment donner naissance au film, un ballon aux couleurs du Portugal atterrit par un curieux hasard à nos pieds. Il n’en fallut pas plus pour nous convaincre de nous lancer à corps perdu dans l’aventure. L’originalité de ce film, son parti-pris de le faire vivre avec quasiment une seule actrice à l’écran, tout en respectant le texte initial paru en 1669, fait partie des plus grands défis que j’ai eu à accomplir dans ma vie. Sans être bien certain du résultat final, nous nous laissâmes guider par l’inspiration seule, la beauté des paysages du Portugal et surtout la découverte du couvent de Beja où l’histoire réelle avait eu lieu. Je ne sais encore comment j’ai pu entraîner une équipe à réaliser ce pari fou que des spectateurs ont pu découvrir en France et à travers le monde au printemps 2015. Il faut dire que nous avons été porté par la richesse d’un texte, sa dramaturgie impeccable et les nombreuses émotions qui l’habitaient. Publié comme étant l’œuvre de l’écrivain français Guilleragues, je tenais à m’engouffrer dans la controverse qu’il suscita par ailleurs : de fervents admirateurs avaient découvert que derrière ces fameuses lettres, soi-disant écrites par un homme, se profilait en fait en filigrane une religieuse portugaise du nom de Mariana Alcoforado ayant réellement existé. Tout de la recherche historique m’amena à penser que la trace de Mariana avait été effacée par les sociétés littéraires du XVIIe siècle et le film n’en devenait que plus nécessaire à mes yeux ; non seulement dans le but de réhabiliter son auteure véritable mais aussi comme preuve d’engagement en ce qui concerne la place des femmes, trop souvent écartées des milieux littéraires et artistiques de l’époque.


Si le film doit tout à son sujet et à son actrice principale, il doit également beaucoup à Francisco Ricardo qui a su retrouver des partitions originales de musique baroque portugaise pour les réinterpréter en fonction du scénario et de sa dramaturgie. Rendant hommage une nouvelle fois à la performance de Ségolène Point, unanimement saluée par la presse, je ne saurais oublier le chef opérateur Jean-Paul Saulieu, dont le travail sur la lumière a enrichi avec élégance tout l’univers des Lettres portugaises. Pour celles et ceux qui vont découvrir le film aujourd’hui en DVD je ne saurais mieux leur souhaiter un beau voyage au pays de la poésie et de la lumière, elles-mêmes traversées par la présence encore incandescente de Mariana Alcoforado.



Les Lettres Portugaises
France, 2014
Couleur, 75 minutes
Scénario et réalisation : Bruno François-Boucher
Interprétation : Ségolène Point, Nicolas Herman
Directeur de la photographie : Jean-Paul Saulieu
Son : Stéphane Soye
Musique adaptée : Francisco Ricardo
Montage : Olivier Mauffroy, Jean Dubreuil
Produit par KapFilms

vendredi 20 avril 2018

Un aperçu du film DOUCHE ÉCOSSAISE (2018)


Et si l’on s’essayait à la comédie ? J’avais déjà fait plusieurs incursions dans le genre en réalisant des courts-métrages. Après deux films difficiles, Les lettres portugaises et Révélation qui m’ont pris beaucoup de temps et dont les expériences furent parfois douloureuses, je me suis décidé à entreprendre quelque chose de plus léger : un film écrit en 15 jours et tourné en 12, sans aucune autre prétention que celle de distraire le public. Douche écossaise est une sorte de road-movie policier dans lequel rien n’est vraiment sérieux, ni l’histoire, ni les personnages, et c’est aussi ma première expérience d’écriture avec l’actrice Ségolène Point qui est tout aussi capable que moi d’un grain de folie. Nous nous sommes donc laissés embarquer dans ce trip aussi distrayant que possible et sans bien savoir où nous allions. La chanson tirée du film et dont je viens de réaliser le clip donnera le ton de cette aventure un peu atypique dont la première projection est prévue en juin à Paris.