Coffret Frères Prévert – 3 DVD (Doriane films)
Autant l’on connaît l’abondante contribution au cinéma de Jacques Prévert, autant l’œuvre de son frère Pierre demeure méconnue et fut même incomprise en son temps. Si les cinéphiles n’avaient pas manifesté leur enthousiasme pour des chefs d’œuvre tels que L’affaire est dans le sac et Voyage surprise, il est fort à parier que ces films auraient disparu à jamais du patrimoine. À une certaine époque la pellicule cinématographique était recyclée en vernis à ongles lorsque les films n’avaient pas eu le succès escompté. C’est tout le drame de Pierre Prévert qui ne put tourner que trois longs-métrages pour le cinéma, films dont les échecs commerciaux le condamnèrent à ne plus travailler qu’occasionnellement pour la télévision.
Grâce à Doriane Films et au magnifique travail de restauration d’Hiventy, il est désormais possible de redécouvrir les films de Pierre Prévert dont le génial Voyage surprise en version intégrale. Dans ce coffret indispensable figurent également deux courts-métrages et deux longs-métrages de télévision. Terry Gilliam adorerait ces films à l’esprit très Monty Python tant ils sont truffés d’inventivité : personnages hauts en couleurs, situations abracadabrantesques, rythme effréné, tout concourt à un régal pour les yeux. On pense à Mack Sennett et à son burlesque satirique dont nous ne pouvons que regretter l’incursion trop rare dans le cinéma français. Avec Pierre Prévert les scénarios de Jacques renouent avec l’esprit de Paroles et de La pluie et le beau temps dans une liberté de ton que l’on ne retrouvera chez aucun autre cinéaste. Seul Pierre a su traduire en images la truculente inventivité de son frère, déliant le langage cinématographique de ses codes pour y mêler dans un même mouvement rêve, magie, poésie, dessin, métaphore et drôlerie empreinte de gravité.
Dans L’affaire est dans le sac (1932) on se gausse des notables aussi bien que de l’homme de la rue et les humains et leurs travers en prennent pour leurs grades. Les acteurs, aussi bien Julien Carette qu’Étienne Decroux font merveille. Il faut voir la séquence des vols à la tire de chapeaux, morceau d’anthologie du cinéma burlesque, tout comme la désopilante scène de l’achat du béret français avec Jacques Brunius. Un classique à revisiter régulièrement.
Voyage surprise (1947) est une incroyable redécouverte qui nous emmène encore plus loin. On y traverse la France comme sur un manège et le voyage n’en finit pas de nous étonner : quiproquos, fête permanente, courses-poursuites hilarantes s’y enchaînent dans une insolente liberté comme si le film avait été écrit, interprété et mis en scène par des enfants. En prime vous y verrez l’atypique Maurice Baquet, fidèle artiste de la troupe Prévert, l’ineffable Sinoël, Annette Poivre, Piéral dans le rôle d’une comtesse, le lunaire Lucien Raimbourg et la belle Martine Carol dans l’un de ses tous premiers rôles. Un film unique, joyeux, formidable, enchanteur.
Le petit Claus et le grand Claus (1964) d’après un conte d’Andersen avec Maurice Baquet, Roger Blin et Elisabeth Wiener. Astucieusement conçu à partir de dessins et de mat paintings du grand Paul Grimault, on y trouve toute la verve des frères Prévert où le malheur et la méchanceté des humains se transforment ici en une peinture enchanteresse qui n’épargne personne. Produit par l’O.R.T.F, on reste songeur devant les initiatives et la créativité des organismes de télévision de cette époque.
La maison du passeur (1965) renoue avec l’esprit de Voyage surprise, oscillant sans cesse entre réalité et fiction, imaginaire poétique et jeux d’enfants. Le croustillant Raymond Bussières y campe un ancien combattant survolté qui croit revenir les Allemands quand il voit débarquer chez lui une équipe venue tourner un film sur la guerre de 14. Dans ce film où l’on en tourne un autre, le spectateur finit par se demander si la fiction n’est pas plus vraie que le réel. Une œuvre télévisuelle hors du temps à redécouvrir.
Deux très beaux courts-métrages agrémentent le coffret :
Paris mange son pain (1958), sensible évocation du monde du travail dans le monde disparu des Halles. Chaque figure à chaque coin de rue nous touche parce que le cinéaste sait croquer la vie qui bat comme un dessinateur portraitiste muni d’une caméra.
Paris la belle (1960) où entre images d’archives tournées par Prévert à la fin des années 20 et images contemporaines, le cinéaste rend hommage à la ville des lumières. Il fait aussi la part belle aux femmes, témoignant des modes et de leurs temps. Un témoignage en forme de symphonie du mouvement qui est aussi une ode à la vie. Le film fut récompensé par un Prix Spécial du Jury Court-métrage au Festival de Cannes en 1959.
Coffret LES FRÈRES PRÉVERT
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