Les
artistes sont aimés, j’en suis sûr, par une grande majorité de personnes mais
ils sont aussi haïs, détestés et jalousés par beaucoup. Tandis que les artistes
parlent au cœur et à l’âme, certains voudraient y voir plus de raison et de
raisonnement que de fantaisie. La sortie de la norme est jugée par leurs
détracteurs comme une atteinte au fonctionnement de la société, une injure à la
bien-pensance et à la normalité. Et si les créateurs réussissent dans leur art,
ce peut être pire. On va vouloir les juger sans savoir, faire des comptes
d’apothicaires, maudire ce qu’ils gagnent en comparaison avec l’homme de la
rue, même si c’est moins que lui, rejeter leurs déclarations en bloc, vomir sur
leur art, cracher sur leurs croyances, étudier au microscope leur vie privée,
leurs mœurs, leurs familles, ce qu’ils mangent, boivent et la façon dont ils
s’habillent. Même après leur mort la méchanceté et l’insulte continueront de
s’abattre sur leurs cercueils. Les rancuneux n’attendront alors qu’une occasion
pour vouloir s’en prendre à leur héritage et à leurs biens qu’ils se
chargeraient bien de dépouiller et de s’arracher si cela était possible, comme
à une foire d’empoigne ou lors des jours de soldes.
Ce
n’est pas le fil invisible qui relie l’artiste à son public qui est pris en
compte mais l’indécent amour que les désabusés y voient, tout en s’épanchant
sur la misère du monde pour laquelle ils ne lèveraient pas le petit doigt.
L’artiste
a au moins cet élan du cœur qui peut soulager des maux, apportant ci et là
quelque instant de répit auprès de ceux que la société a oublié. C’est dans
cette communion que la détresse peut se transformer en espoir, afin de redonner
force et courage à celles et ceux qui n’en ont parfois plus. C’est dans ce
sourire et cette invitation à la vie, et peut-être dans une profonde
compréhension de l’humain, qu’une œuvre peut alors prendre tout son sens. Une
œuvre invisible pour certains à force de rationalité aveugle et d’incrédulité
qui les entrainent inévitablement vers le dénigrement.
L’artiste
fait vœu de sa vie, brûle de tous ses feux et sacrifie toute normalité pour
aller à cette rencontre de l’autre. Il déploie ce qui lui reste de souffle pour
traduire ce que cet autre vit et ressent dans sa chair, traversant parfois les
siècles pour rencontrer un écho tardif. Les millions de livres qui nous
entourent, les toiles exposées dans les musées ou perdues dans des caves, les
sculptures, les films et les musiques sont le reflet de nos âmes. Ils agissent
à notre insu comme une force bienfaitrice nous invitant à la compréhension du
monde, créant des émotions nécessaires à leurs perceptions. Si nous ne pouvons
voir ou entendre les signes d’une élévation et d’un rassemblement qui nous
dépasse, les œuvres des artistes ont été créées pour nous en donner l’accès.
C’est en caressant la sculpture, en observant le tableau ou en écoutant la
symphonie que soudain tout prend corps, devient chargé de sens pour nous rappeler à
notre condition d’humain. Durant les guerres combien de soldats ont chanté des
mélodies pour se redonner courage et combien de fois nous-mêmes avons-nous
ressenti cette émotion bienfaitrice provenant de films ou de morceaux de
musique qui ont changé nos vies.
Remercions
les artistes d’apporter du soulagement à la peine, de l’espoir dans les heures
les plus sombres, de l’apaisement dans la souffrance.
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