Monsieur Klein est l'un des plus grands fims de Losey et l'un des
meilleurs de Delon qui y est remarquable. Sans oublier les seconds rôles,
exceptionnels : Jeanne Moreau, Jean Bouise, Suzanne Flon, Michel Lonsdale,
Louis Seigner, Francine Bergé... et j'en passe. Tout contribue dans ce film, la
photo de Gerry Fisher, les décors, la musique de Egisto Macchi, à apporter une
atmosphère oppressante, glauque, suintante, quasi expressionniste. Le mal y
rôde en permanence ainsi qu'un sentiment de malaise qui se faufile entre
chaque plan, tout semblant s'enfoncer inexorablement vers un univers décadent et
mortuaire, fait de décrépitude, d'isolement, prélude à une extermination
programmée. Un labyrinthe où l'humain perd comme Klein peu à peu son identité
pour ne plus être que son fantôme squelettique l'amenant progressivement à
Dachau ou à Auschwitz. Chacun est Klein, devenant l'objet des bourreaux à travers le
jeu pervers de la manipulation mentale qui conduit progressivement à la perte de
l'identité, du moi, pour finir par succomber au processus de
destruction orchestré par la machine d'anéantissement nazie. On pense au Testament du Dr Mabuse, à un
monde devenu kafkaïen, diabolique, qui aboutit à cette séquence terrifiante et
inouïe de réalisme de la rafle du Vel d'hiv. Rarement un film aura
montré et avec un souci de précision exemplaire le
processus d'infiltration du mal dans les consciences, quitte à en rendre le
spectateur mortifié, pris au piège, scellé à double tour, cadenassé vers les
convois de la mort. Qui est Klein ? Nous ? L'autre ? Celui qu'on cherche ?
Qu'on chasse ? Qu'on persécute ? Et pourquoi lui ? Pourquoi pas nous ? C'est
là toute la question posée par le film dont la seule réponse est que les auteurs ont voulu
que nous soyons nous-mêmes les instruments de ce qu'ils dénonçaient.
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