jeudi 20 avril 2017

La tombola et le cinéma muet


En sortant de la bouche de métro les passants sont assaillis par des poignées de militants qui crient des tracts à la main : « Votez Mélenchon ! », « Votez Fillon ! », « Votez Macron ! », « Votez Le Pen ! ». Ça me rappelle le temps où, gamin, nous vendions dans la rue des billets de tombola pour la kermesse le soir après l'école : « Hé m'sieur siouplaît ! Achetez-moi un billet ! » Le plus convaincant s'en repartait le premier chez lui, les poches pleines de pièces, fier d'avoir réussi à écouler tout son stock.
Le flot des voyageurs qui émerge à la lumière du jour tente de se frayer un chemin parmi la foule : « Le monde sera meilleur avec mon candidat ! », « Vous aurez plus d'avantages avec le mien ! », « Mon candidat est le meilleur ! ». La politique se vend au plus offrant, à coups d'interjections, de cris, de sollicitations, sous une rangée de bras vantant les mérites d'untel ou untel. Chacun a son argument de vente, participant à la grande opération marketing. Les colporteurs sont frénétiques, la TV est là, interrogeant l'homme de la rue qui se prête au jeu de la vedette d'un instant sur le trottoir. La fin de la période électorale semble annoncer le 1er mai prochain, jour du muguet où les stands fleuriront dans les rues et sur les places. Mais alors peut-être est-ce le parfum qui manque à cette grande braderie de la campagne présidentielle où pour un peu l'on se croirait au marché aux Puces. Je me demande si l'on bradera dimanche pour écouler les voix restantes, celles qui se sont tues jusque là et qui rêvent d'un monde qu'on voit seulement au cinéma et dans les livres d'enfants. La Paix et le Bonheur ne se vendent peut-être plus qu'à la Télé ou dans la Silicone Valley. 
Dans quinze jours chacun s'en retournera au travail, satisfait ou déçu, pour le meilleur ou pour le pire. Nous sommes les instruments d'un monde qui rejouera la partition sous la baguette d'un nouveau chef d'orchestre. Quelle musique entendrons-nous ? Mozart ? Wagner ? Beethoven ? Ennio Morricone ? A moins qu'il ne s'agisse de cacophonie si le maestro n'est pas à la hauteur. Parfois je rêve de silence, d'une musique qu'on n'entend pas, du bruissement des feuilles dans les arbres et de cinéma muet.


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