Disparition
de Curtis Hanson à l'âge de 71 ans, cinéaste inspiré qui s'était fait connaître
avec Bad Influence et l'oppressant et
hitchcockien La main sur le berceau. Egalement
scénariste il avait collaboré avec Samuel Fuller sur Dressé pour tuer avant d’écrire Un
homme parmi les loups pour Carol Ballard. Mais Hanson demeure surtout le réalisateur
du remarquable L.A Confidential, adapté
de James Ellroy avec Kevin Spacey, Russell Crowe et Kim Basinger qui obtint un
Oscar pour son rôle. Des personnages complexes, une forme visuelle
particulièrement aboutie et une maîtrise indéniable de la mise en scène.
Danny de Vito et Kevin Spacey, L.A Confidential (1997)
Il
fit ses premiers pas de réalisateur avec des films de série B : Sweet Kill (1972) film d’épouvante sorti
sous la bannière de Roger Corman, Evil
Town (1977) film de zombies avec Dean Jagger et Robert Walker Jr, The little dragons (1980), édité
également sous le titre Karaté Kids USA et American
Teenagers (1983) l’un des premiers films de Tom Cruise. Puis il donna son
premier film important, Faux témoin (1987)
dont il écrivit aussi le scénario et qui brodait une intrigue elle aussi hitchcockienne
à partir d'un meurtre vu par une femme ne pouvant en témoigner au risque d’avouer
ses infidélités conjugales. Elle transférait sa vision des faits chez un faux
témoin qui n’était autre que son amant, bientôt suspecté lui-même par la
police. Ce film méconnu et très maîtrisé dans la lignée de Fenêtre sur cour et de l’homme
qui en savait trop surprend encore de par sa densité et son jeu d'acteurs
malgré un final plus convenu. Isabelle Huppert est excellente en séductrice au
jeu très inspiré par les personnages de Lauren Bacall dans les films de Howard
Hawks.
Isabelle Huppert dans Faux témoin (1987)
Bad Influence (1990) cédait à quelques
effets de mode mais la tension entre les deux personnages (James Spader était sous l’emprise d'un manipulateur criminel joué par Rob Lowe), l’atmosphère et le suspense
très soutenus rappelaient les grandes heures du film noir. Il est intéressant de noter que le film dénonçait avant l'heure un goût pour la morbidité chez les jeunes générations à travers la technologie (piratage informatique, meurtres filmés en vidéo). Le climat envoûtant du film (écrit par David Koep, futur scénariste de Jurassic Park et de L'impasse), la musique de Trevor Jones et le travail sur la lumière en clair-obscur contribuant à faire gronder une sourde menace qui annonçait notre monde à venir.
La main sur le berceau (1992), son premier succès public, est tout aussi digne d’Hitchcock de par son habileté à tendre un écheveau redoutable à partir de détails infimes qui entraînent peu à peu le spectateur dans la paranoïa. Avec un suspense implacable reposant entièrement sur la suggestion, le film demeure encore aujourd’hui assez flippant, malgré quelques conventions dues à l’époque notamment dans l’exposition un peu lente des personnages. Rebecca de Mornay, particulièrement inquiétante, permet de vérifier une nouvelle fois le célèbre adage du vieil Hitch : « Plus le méchant est réussi et plus réussi est le film ».
Bad Influence (1990)
La main sur le berceau (1992), son premier succès public, est tout aussi digne d’Hitchcock de par son habileté à tendre un écheveau redoutable à partir de détails infimes qui entraînent peu à peu le spectateur dans la paranoïa. Avec un suspense implacable reposant entièrement sur la suggestion, le film demeure encore aujourd’hui assez flippant, malgré quelques conventions dues à l’époque notamment dans l’exposition un peu lente des personnages. Rebecca de Mornay, particulièrement inquiétante, permet de vérifier une nouvelle fois le célèbre adage du vieil Hitch : « Plus le méchant est réussi et plus réussi est le film ».
Rebecca de Mornay dans La main sur le berceau (1992
La
rivière sauvage (1994) est un curieux film que l’on aurait pu voir dans les
années 50, mélange d’aventures, de thriller et de comédie. Il reprend la même
thématique que La main sur le berceau (l’intrusion d'un élément destructeur au coeur
d’une famille) mais de façon moins convaincante à cause de ses hésitations
entre plusieurs genres. Notons tout de même le rôle très inhabituel de Meryl
Streep en pro du canyoning qui semble sortie tout droit d’un western avec
Virginia Mayo ainsi que l'excellent Kevin Bacon en pervers cynique qui
contribue en grande partie à la réussite du film.
Meryl Streep dans La
rivière sauvage (1994)
Je
ne m’étendrais pas ici sur l’incontestable chef d’œuvre de Curtis Hanson L.A Confidential (1997), l’un des
meilleurs films noirs de ces 30 dernières années. Eblouissant de par son
casting et sa maîtrise du récit, le film offre une minutieuse reconstitution du
Los Angeles des années 50, à travers notamment la splendide photo de Dante
Spinotti. La violence, souvent présente chez Hanson, n'est jamais gratuite.
Elle est l'expression d'une société en décrépitude où des personnages en proie
à leurs démons exécutent de redoutables plongées au coeur de leur âme noire. Qu'il
s'agisse de corruption dans L.A Confidential,
de misère sociale après la désertification industrielle de Detroit dans le très
beau 8 mile, ou d’une quête de
l’identité dans Wonder boys, c'est
une face sombre de l'Amérique qui nous est montrée, phénomène assez rare dans
le système hollywoodien.
Kim Basinger dans 8 mile
(2002)
Wonder boys (2000) rappelle par
certains côtés Will hunting, avec un
Michael Douglas poignant en écrivain-professeur désabusé. Comme dans Lucky you, Curtis Hanson fait la part belle aux acteurs. Le jeune Tobey Maguire est troublant de vérité, Frances McDormand offre un
contrepoids féminin tout en force et en subtilité et tous sont dirigés de main
de maître. Dans 8 mile
(2002) Kim Basinger est bouleversante en mère alcoolique et il faut revoir aussi
le formidable duo Toni Colette-Cameron Diaz en soeurs qui se déchirent dans le
très sous-estimé In Her Shoes (2005)
qui figure parmi les plus belles réussites de Curtis Hanson.
Michael Douglas, Tobey Maguire dans Wonder boys (2000)
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