lundi 10 août 2020

Mon île Farö (Farö document ) (1979) d’Ingmar Bergman.

L’Histoire de l’île, ses traditions, la vie de ses habitants, agriculteurs, pêcheurs et aussi celle des jeunes qui avaient déserté l’île durant leur adolescence pour finalement y trouver un sens à leur existence. Tourné en 16 mm, dix ans après le premier volet d’avril 1969, le cinéaste fait le point sur Farö et filme les objets et les gens avec l’attention d’un entomologiste. Retour aux sources pour le réalisateur des Fraises sauvages qui s’extrait de la fiction pour mieux observer encore, rendre compte du mouvement de la vie, des êtres humains, des animaux. Le paysan qui écrit des poèmes pour trouver l’apaisement, la tonte des moutons, l’histoire de la sœur disparue, sont autant de moments où le cinéaste ne cesse d’éprouver le désir filmer avec toujours une soif de curiosité, accompagné des magnifiques images de Arne Carlsson, collaborateur de Andreï Tarkovsky et de Sven Nykvist sur les derniers Bergman. Il faut voir comment l’artiste croque la vie qui se déroule sous ses yeux avec un art du montage sans pareil. Le documentaire est cinéma, il en retrouve même sa vocation première. La séquence sur la plage avec les touristes est à ce titre exemplaire. L’alternance des plans, des visages et des images de nature nous éblouit de par sa fluidité. On sait que l’auteur de Persona a vécu sur l’île, il en connaît les moindres recoins, et son engagement avec les habitants pour la préservation du lieu prend ici une valeur politique. Le pouvoir des images, la précision du commentaire et le sens des paroles enregistrées font de ce film un véritable objet cinématographique tout aussi essentiel que les autres œuvres de Bergman. 


Farö document (1979) d'Ingmar Bergman

dimanche 9 août 2020

Ennio Morricone (1928-2020)

Je devais être en CM 2 lorsque je vis passer à la récré un disque vinyle qui m'intriguait : Le 33 T des bandes originales de deux films dont j'ignorais tout : Per un pugno di dollari et Per qualche dollaro in più



Au vu de l'émotion et du succès procurés par cet album qui passait de mains en mains depuis plusieurs semaines, je réservai mon tour pour l'emprunter. Le jour J, le précieux sésame arrivé à destination je restai fasciné par les dessins sur la pochette, notamment celui d'un acteur dont j'ignorais également tout, Clint Eastwood. À 17 heures pétantes je filai à la maison pour poser le disque sur la platine des parents qui ne savaient rien non plus du compositeur. Les sons qui en sortirent me saisirent dès le premier instant. Guitares, sifflets, voix, guimbardes, carillons, violons rompaient avec les autres bandes originales que j'avais entendues. Le disque passa en boucle dans la maison pendant 8 jours avant que je ne le rende, à regrets, à son propriétaire. 




Un nouveau monde s'ouvrait où la musique d'Ennio Morricone allait faire naître de premières images en moi ainsi que le désir de filmer. Il en fut de même avec une grande partie des albums du compositeur que j'achetai au fur et à mesure, constituant à ce jour une collection de plus de 300 bandes originales de Morricone sur les 500 qu'il a composées. Il est impossible de résumer la carrière de l'artiste en quelques titres. Des films parfois totalement inconnus recèlent de véritables perles musicales. Avec Ennio Morricone la musique de film entra dans une ère où elle pouvait s'écouter séparément de l'œuvre cinématographique comme on pouvait écouter Verdi, les Pink Floyd ou Pat Metheny. Écouter des musiques de films aujourd'hui est aussi courant que d'écouter n'importe quel autre genre d'album. Morricone a été à l'origine de l'immense popularité de cet art à part entière.

 

jeudi 6 août 2020

Éloge des salles de cinéma

 Le désir de voir un film en salles naît d'abord de cette curiosité, seul ou à plusieurs, de faire un trajet comme l'on part en voyage ou à la rencontre d'un ami. Aller au cinéma comme aller au théâtre ou au concert, c'est partir de chez soi pour un moment unique dans un lieu abrité de l'agitation du monde. Une salle de cinéma est un lieu d'émotion pure.

Choisir un film pour aller le voir au cinéma c'est être curieux de tout. C'est être interpellé par un sujet, un acteur, quelque chose que l'on voudrait regarder et écouter au plus près de notre attention, un quelque chose d'inédit qui n'existe pas sur le petit écran chez soi. 

Aller voir un film au cinéma c'est changer ses habitudes et son regard, c'est comme s'arrêter au musée devant un tableau qu'on ne connaissait pas et tenter d'en pénétrer le mystère.

Entrer dans une salle de cinéma n'est pas une intention anodine. Elle tient de cette chose inconnue et nécessaire entre deux moments de vie où l'on va plonger dans le regard d'un artiste qui va peut-être changer nos perspectives : une couleur, une musique, un paysage, un personnage vont peut-être nous surprendre. Nous ne les connaissons pas, ils sont uniques, éphémères, irréels et pourtant ils s'adressent à nous, à la profondeur de nos âmes. C'est une expérience à chaque fois inédite. La tenter c'est ouvrir son champ de vision à d'autres fenêtres que celles de notre rue, c'est partir à la découverte d'autres mondes. Si l'on veut bien faire ces voyages non loin de chez nous, on verra au fond qu'aucun film ne ressemble à un autre. Ils sont tous uniques, telles les nouvelles heures qui passent. Le cinéma c'est la magie des ombres et de la lumière qui peut être sans cesse renouvelée, c'est la surprise du tour de prestidigitation qu'on n'attendait pas et qui vous saisit par surprise.

Au cinéma l'on peut découvrir des histoires jamais contées, des paysages jamais traversés, des êtres jamais rencontrés. Au cinéma l'on apprend. À mieux se connaître, à mieux connaître l'autre, à mieux revenir dans sa vie. 

Au cinéma durant ces deux heures que vous offrez à l'inconnu aussi bien qu'à vous-même, c'est une chance de plus de collectionner des souvenirs à jamais gravés.


 



Une vidéo pour comprendre les enjeux de toute une profession cisaillée par la crise du Covid. Réinventons-nous, n'orientons pas exclusivement nos goûts vers les blockbusters et sauvons les salles en allant au cinéma !


samedi 1 août 2020

Alan Parker (1944-2020)

Son empreinte visuelle a marqué mon inspiration depuis ma vision de The Wall en 1982. Film splendide, d'une force émotionnelle incroyable et qui réussissait ce mariage entre les images et la musique des Pink Floyd pour en faire une sorte de film-album. La même année, le méconnu Shoot the moon avec Albert Finney et Diane Keaton renforça mon admiration pour le fameux réalisateur de Midnight express et de Fame.  L'utilisation de l'espace, des cadrages et de la lumière apportait une dimension supplémentaire aux jeu des acteurs dans cette déchirante histoire de séparation. Birdy (1984), Angel heart (1987), Mississipi burning (1988), aux sujets brûlants, alliaient le cinéma de genre avec le film d'auteur ce qui m'a toujours semblé l'une des meilleures lignes à adopter. Si ses derniers films déçurent, l'adaptation cinématographique de la comédie musicale Evita (1996) n'en comportait pas moins de grands moments de cinéma avec une étonnante Madonna dans le rôle titre. Alan Parker ne tournait plus depuis de nombreuses années après l'échec injuste de La vie de David Gale en 2003. Retiré des plateaux, enseignant le cinéma aux nouvelles générations, le réalisateur resta marqué par son expérience douloureuse à Hollywood. Les choix courageux qu'il fit avec certains films (sa vision sans concession de l'exclusion sociale dans Les cendres d'Angela, 1999) l'éloignèrent du public. Le silence qui s'ensuivit fit oublier qu'il compta parmi l'un des cinéastes majeurs des dernières décennies.