North by Northwest (La mort aux trousses, 1959. Hitchcock maître absolu du récit et ce dès les premières images. Pas une seconde de temps mort, chaque plan à sa place, dans son juste cadrage, sa juste durée. Pas plus, pas moins. La version restaurée permet de mieux encore saisir chaque détail de ce chef d’œuvre absolu qui est un modèle de construction cinématographique. La modernité d’Hitch est affolante. Il a tout inventé de ce que nous voyons aujourd’hui dans le moindre film de genre, la moindre série. Il nous offre ici en prime un récital d’humour éblouissant, le film prenant à maintes reprises les allures d’une comédie pour le moins inattendue dans un thriller à suspense de ce type.
Comme à l’accoutumée ce qui intéresse le réalisateur de Psychosec’est le puzzle qu’il donne à reconstituer au spectateur, lui en livrant parcimonieusement chaque pièce tout au long des 2h15 de projection qui passent comme une étoile filante. Et là où il demeure le roi c’est que partout où on l’attend, il ne cesse de surprendre par quelque trouvaille géniale. La séquence de la salle des ventes où Tornhill passe pour un acquéreur demeuré pour échapper à ses poursuivants est à ce titre un morceau d’anthologie que tous les élèves devraient étudier dans les écoles de cinéma.
Qui plus est Hitchcock reste un maître dans son utilisation de l’espace : la configuration des lieux, leurs proportions dans l’agencement de l’histoire, de la ville avec ses buildings aux confins du désert, tout tend à créer un sentiment de déphasage permanent qui ajoute encore à la dimension labyrinthique du récit. Il y a des plans géniaux dans La mort aux trousses tel cet écrasant plan large en plongée à l’O.N.U où l’on suit le trajet de Tornhill pas plus grand qu’une abeille qui accourt vers un taxi, sans parler de la fameuse séquence de l’arrêt d’autobus en plein désert où l’avion fonce sur Cary Grant ou bien encore tout le final au mont Rushmore.
Savoureuse enfin la dimension érotique du film qui atteint des sommets dans la séquence du wagon-lit : tout est conçu une nouvelle fois pour dérouter le spectateur à travers les retournements de situations et le jeu auquel se livrent Eva Marie Saint et Cary Grant. Hitchcock, jamais à court, s’amuse, se régale, pimente à souhaits son plat et use de tours de passe-passe pour le moins jubilatoires. La mort aux trousses est incontestablement l’un des sommets de l’œuvre d’Hitchcock.