À
Tunis, Amel, jeune femme émancipée se consacre à sa passion pour la
photographie en croquant des portraits d’hommes. Fascinée par le corps charnel
elle immortalise ceux qui acceptent de s’offrir à sa vision. C’est une
chorégraphie du mouvement et une exploration de l’âme féminine que nous propose
Mehdi Ben Attia, réalisateur tunisien déjà primé dans de nombreux festivals avec
ses deux précédents films Le fil
(2010) et Je ne suis pas mort (2013).
Œuvre touchante et dépourvue de tout voyeurisme ordinaire, le film surprend de
par sa capacité à dresser avec beaucoup de justesse l’approche d’une artiste
d’aujourd’hui dans des sociétés où la femme demeure encore cloisonnée dans une
image de soumission devant répondre aux moeurs en vigueur. Amel déroute,
inquiète, échappe aux idées reçues et doit faire sa place pour imposer son
identité. La sensible Hafsia Herzi (actrice encore trop méconnue du grand
public malgré son César du meilleur espoir en 2008 pour La graine et le mulet ) est filmée par Mehdi Ben Attia avec
délicatesse, telle Amel « sculptant » ses modèles. Le réalisateur
impose un style proche du cinéaste Satyajit Ray, explorant la société
tunisienne d’aujourd’hui en un témoignage pudique qui est aussi un acte de
résistance. Acte militant envers le droit des femmes, bousculant les idées
reçues, L’amour des hommes est le
reflet d’un monde en pleine mutation dont les bouleversements résonnent en écho
avec notre actualité, la femme prenant la parole pour occuper la place qui lui
est due. Le personnage de la jeune photographe inverse le processus d’une femme-objet
représentée habituellement dans les images et il faut louer le travail du
réalisateur pour avoir su faire éclater une vision devenue hélas lieu commun.
Hafsia Herzi dans L’amour des hommes (2018)
Les
acteurs sont tous excellents parmi lesquels Raouf Ben Amor (vu dans Or noir de Jean-Jacques Annaud) qui
s’impose à l’écran dans le rôle du beau-père d’Amel. Souhaitons que le film
trouve la place qu’il mérite dans le ras de marée des sorties où l’on ne sait
plus que voir à force de matraquages.
Si
l’on aurait souhaité davantage d’épaisseur dans l’histoire d’amour entre Amel
et Sami, notamment dans la dernière partie du film, la justesse de l’œuvre,
lumineuse, offre néanmoins au spectateur une bouffée d’air pur et
d’intelligence salutaire de par les temps qui courent.
Au cinéma à partir du 28
février 2018
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