Beaucoup d’émotion à l’annonce de la disparition de Michèle
Morgan qui fut l’une des plus grandes stars du cinéma français, sans doute la
première actrice qui m’impressionna étant enfant. La télévision programmait
encore à la fin des années 60 beaucoup de films avec l’inoubliable interprète de
Quai des brumes. C’est ainsi que je
découvris La symphonie pastorale, La loi
du Nord, Remorques, Fabiola, Les orgueilleux, Oasis, Le miroir à deux faces.
Sa beauté glacée la différenciait des autres actrices. Elle possédait
l’élégance, la force, attirant la lumière sur sa peau diaphane, quelque chose
d’inaccessible la rendant surréelle, proche des stars du muet. La jeune aveugle
de La symphonie pastorale m’avait
particulièrement marquée. Les plus beaux yeux du cinéma semblaient dans ce film
si vivants qu’on aurait dit une lumière scintillant dans la nuit. Quel rôle la
rendait mieux surnaturelle, inquiétante d’étrangeté. Lorsqu’on lui parlait de
ses yeux, l’actrice regrettait dans une moue qu’on ne lui reconnaisse pas quelque
talent dans telle ou telle scène de film.
Le chateau de verre (1950) de René Clément
Il y a un mystère Morgan enfoui derrière les apparences, un
art de la suggestion et du non-dit qui provoque le trouble, un monde caché
empli de passions secrètes au delà du masque et du maquillage. C’est également
le cas dans La loi du Nord, film
bouleversant de Jacques Feyder qui m’ouvrit les portes d’une perception
nouvelle, rarement retrouvée jusque là.
Je ne suis pas sûr que Michèle Morgan fut bien comprise
parvenue à la maturité. Sa poésie semblait soudain faire faux bond au monde
moderne des années 60, le Remorques
de Jean Grémillon, cinéaste qui sut saisir le feu sous la glace, s’estompant
dans les brumes du passé.
On comprend pourquoi dans sa jeunesse l’héroïne de Michèle
Morgan fut Greta Garbo. Garbo à laquelle elle voulut ressembler, rêvant d’aller
à Hollywood, hantée par l’image d’un cinéma brisant les banalités du quotidien,
éprise de figures en ombres et lumières échappées d’une huile sur toile.
Les orgueilleux (1953) de Yves Allégret
Morgan se retira des écrans comme
Garbo à l’orée de son automne pour laisser avec élégance au public l’image de
sa beauté et de sa jeunesse. Elle se consacra dès lors à la peinture et quand
on lui demanda ce dont elle voulait qu'on se souvienne à son sujet elle
répondit simplement : « D’une peintre. ». Si cet aspect de l’artiste n’a pas
encore livré tous ses secrets, ne doutons pas que la star de l’écran demeurera
toujours vivante, incandescente, éternelle.
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