samedi 24 décembre 2016

Hommage à Michèle Morgan (1920-2016)


Beaucoup d’émotion à l’annonce de la disparition de Michèle Morgan qui fut l’une des plus grandes stars du cinéma français, sans doute la première actrice qui m’impressionna étant enfant. La télévision programmait encore à la fin des années 60 beaucoup de films avec l’inoubliable interprète de Quai des brumes. C’est ainsi que je découvris La symphonie pastorale, La loi du Nord, Remorques, Fabiola, Les orgueilleux, Oasis, Le miroir à deux faces. Sa beauté glacée la différenciait des autres actrices. Elle possédait l’élégance, la force, attirant la lumière sur sa peau diaphane, quelque chose d’inaccessible la rendant surréelle, proche des stars du muet. La jeune aveugle de La symphonie pastorale m’avait particulièrement marquée. Les plus beaux yeux du cinéma semblaient dans ce film si vivants qu’on aurait dit une lumière scintillant dans la nuit. Quel rôle la rendait mieux surnaturelle, inquiétante d’étrangeté. Lorsqu’on lui parlait de ses yeux, l’actrice regrettait dans une moue qu’on ne lui reconnaisse pas quelque talent dans telle ou telle scène de film.

Le chateau de verre (1950) de René Clément


Il y a un mystère Morgan enfoui derrière les apparences, un art de la suggestion et du non-dit qui provoque le trouble, un monde caché empli de passions secrètes au delà du masque et du maquillage. C’est également le cas dans La loi du Nord, film bouleversant de Jacques Feyder qui m’ouvrit les portes d’une perception nouvelle, rarement retrouvée jusque là.
Je ne suis pas sûr que Michèle Morgan fut bien comprise parvenue à la maturité. Sa poésie semblait soudain faire faux bond au monde moderne des années 60, le Remorques de Jean Grémillon, cinéaste qui sut saisir le feu sous la glace, s’estompant dans les brumes du passé.
On comprend pourquoi dans sa jeunesse l’héroïne de Michèle Morgan fut Greta Garbo. Garbo à laquelle elle voulut ressembler, rêvant d’aller à Hollywood, hantée par l’image d’un cinéma brisant les banalités du quotidien, éprise de figures en ombres et lumières échappées d’une huile sur toile. 

Les orgueilleux (1953) de Yves Allégret

Morgan se retira des écrans comme Garbo à l’orée de son automne pour laisser avec élégance au public l’image de sa beauté et de sa jeunesse. Elle se consacra dès lors à la peinture et quand on lui demanda ce dont elle voulait qu'on se souvienne à son sujet elle répondit simplement : « D’une peintre. ». Si cet aspect de l’artiste n’a pas encore livré tous ses secrets, ne doutons pas que la star de l’écran demeurera toujours vivante, incandescente, éternelle.

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