24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi d'Alexandre Arcady, actuellement diffusé sur Ciné +, est
l'un des films importants du cinéma français de ces dernières années,
injustement boudé par la public et décrié, voire méprisé par une partie de la
critique lors de sa sortie en 2014. Rappelons que le film relate l'enlèvement,
la torture et l'exécution à Paris en 2006 du jeune Ilan Halimi par Youssouf
Fofana et ses 29 complices surnommés « le gang des barbares »,
rançonnant des juifs. De façon précise et authentique le film nous plonge au
coeur de la terrifiante affaire qui secoua le pays et remonta dans les plus
hautes sphères de l'Etat, faisant apparaître le regain d'un antisémitisme qu'on
croyait évaporé. D'abord qualifié de crime crapuleux, c'est sous la pression
d'une partie de la population et surtout de Ruth Halimi, la mère d'Ilan, que
le tabou finit par sauter à la figure des pouvoirs publics. Ruth Halimi, lors
de son intervention à RTL, fut la première à alerter l'opinion : « Que ce
soit clair, si mon fils n'avait pas été juif il n'aurait pas été assassiné. »
Zabou Breitman et Pascal Elbé dans 24 jours
Le film d'Alexandre Arcady n'a pas d'autre prétention que de
décrire sobrement les tenants et aboutissements de cette affaire, avec une
précision et une authenticité irréprochables. Utilisant le temps réel comme fil
de narration, rien ne nous est épargné de l'effroyable événement qui mobilisa
d'importants effectifs de police jusqu'à l'arrestation des membres du gang et à
celle de Fofana en Côte d'Ivoire en mars 2006. Extradé par Laurent Gbagbo avant
d'être rapatrié en France pour comparaitre devant la justice, le cerveau du
gang, islamiste radical et antisémite convaincu, écopera de la prison à
perpétuité assortie de 22 ans de sûreté. C'est davantage encore que la
description des sévices subis par Ilan Halimi et du calvaire omniprésent vécu
par sa famille que le réalisateur relate mais bien en premier lieu le tabou de
l'antisémitisme. Sans état d'âme, Arcady aborde l'incompréhension qui réside
durant l'enquête entre la famille Halimi et la police, au-delà des moyens mis
en oeuvre par celle-ci, le crime antisémite n'étant pas accepté ni reconnu
comme tel, voire passé sous silence. En ce sens le film prend une véritable
valeur historique et sonne comme un cri d'alerte, ce à quoi le cinéma français
ne nous a plus habitué depuis longtemps. Son engagement aussi courageux que
sincère mérite une relecture pour ne pas dire une découverte pour le public
grâce à son passage à la télévision, tout du moins cryptée pour l'instant. Il
faut saluer l'interprétation sans failles des acteurs à commencer par Zabou
Breitman, bouleversante d'un bout à l'autre, qui campe Ruth Halimi avec une
puissance d'évocation et une vérité pour le moins saisissantes. Pascal Elbé
dans le rôle du père d'Ilan est remarquable de concision tout comme Jacques
Gamblin, Sylvie Testud et Eric Caravaca, en fonctionnaires de police aussi
rigoureux que dépassés par les événements.
Jacques Gamblin et Eric Caravaca dans 24 jours
Si le film relève de l'essentiel et, j'irais plus loin,
devrait être montré dans les écoles, c'est parce que les faits qui y sont
dénoncés ont pris valeur de symbole. Récemment Dieudonné appelait à la
libération de Fofana et le bourreau lui-même se préparait de sa cellule à fêter
le dixième anniversaire de la mort de sa victime. Il ne peut y avoir d'abandon
des consciences ni de laisser-faire et le film participe largement de cet
engagement.
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