Ça
commence comme Urga de Nikita
Mikhalkov avec des steppes, des chevaux et des images westerniennes dans un
beau cinémascope qui vous remplit les yeux. Le film auquel on va assister nous
rappelle à la grandeur du cinéma, aux maîtres de jadis, John Ford en tête.
Mieux qu’un grand film Centaure est
tout simplement un chef d’œuvre. Une belle œuvre, bouleversante, engagée et qui
élève l’âme. Ce 5ème long-métrage du grand réalisateur kirghiz Aktan Arym Kubat
(auteur entre autres du Fils adoptif
et du Voleur de lumière) est un
plaisir de chaque instant, une leçon d’humanité et de courage, un pamphlet
contre l’obscurantisme, un rayon de lumière comme peut l’être un film de
Chaplin ou de Douglas Sirk. C’est de la vie quotidienne d’un village du
Kirghizistan que le cinéaste puise son inspiration, nous relatant ses traditions
et son langage qui peu à peu se dissipent comme dans un brouillard depuis la
chute de l’empire soviétique. Tout ici n’est que vie et frémissements, la
cruauté et le conflit ne réussissant qu’à élargir les champs et l’horizon de
l’âme qui perdure au-delà de tout.
L’histoire
du personnage principal nommé Centaure, mi-homme mi-cheval et à qui l’animal «
donne des ailes » est exemplaire parce qu’elle nous invite à la réflexion sur
le devenir des humains et à ce que le monde de la marchandisation et de l’intolérance
leur a laissé en guise d’héritage. Un monde pris dans un vain tourbillon qui
voudrait occulter toute forme de justice, d’humanité et de compassion sans
savoir qu’il court à sa perte. Si le film est universel c’est que chacun
d’entre nous, où qu'il soit, peut s'y retrouver.
Pas l’once ici d’une caricature mais pure authenticité et
sincérité. Le langage cinématographique est maîtrisé, du moindre cadrage au
moindre son, musique en prime à découvrir. Ce film devrait être montré sur tous
les écrans en contrepoids avec bien des produits qu’on nous assène, il devrait être visionné dans toutes
les écoles pour redonner une spiritualité aux enfants. Le spectacle agit
sur nos consciences comme le ferait un conte, une légende universelle qui nous
touche au plus profond. J’ai
rencontré et parlé avec son réalisateur, venu spécialement du Kirghizistan pour
nous le présenter, il est à l’image de ce qu’est son œuvre : un homme humble,
bienveillant et doté d’humour. Il joue lui-même dans son propre film avec des
acteurs qui possèdent une justesse sans pareil. Cette projection demeure pour
moi une expérience d’une intensité peu commune.
Aktan Arym Kubat dans Centaure (2017)