Il fut une époque où, il faut bien le dire, les femmes étaient dans les métiers
du cinéma quasiment inexistantes au poste de scénariste. Dans les années 50 on
les comptait sur les doigts d’une main et lorsqu’elles écrivaient des films,
celles-ci disparaissaient la plupart du temps des génériques. Apprenant le
décès d’Annette Wademant à l’âge de 89 ans le 1er septembre dernier, il me
semblait essentiel de revenir sur le parcours de cette importante scénariste du
cinéma français, du temps où seuls les noms de Françoise Giroud, Jacqueline
Audry et Nicole Védrès circulaient dans la profession.
Née
en 1928 à Bruxelles c’est grâce à Jacques Becker qu’elle fit son entrée au
cinéma, écrivant pour lui les merveilleux Édouard et Caroline en
1951, et Rue de l’Estrapade en 1953. Selon les mots même d’Annette
Wademant au sujet de Becker : « Une de ses qualités extraordinaires, c’était sa
facilité à parler avec tout le monde de la même façon. Il n’y avait pas de
distance parce que c’était quelqu’un d’habité, qui cultivait l’état de grâce. »
Présente sur le plateau tout au long du tournage d’Edouard et Caroline, et
tandis que le réalisateur mettait un soin particulier à sa technique, Annette
Wademant occupa une place essentielle avec les acteurs et principalement auprès
d’Anne Vernon à laquelle elle s’identifia totalement : « Ma seule préoccupation
c’était le scénario et les acteurs. A tel point que si pour un mouvement donné
elle n’avait pas dit le texte comme je le voulais, je demandais à ce qu’on
refasse la prise. » L’accueil réservé à Cannes en 1951 fut triomphal pour cette
formidable comédie sur une relation passionnelle et amoureuse à la fine
psychologie. Un ton nouveau était né, acclamé par Jean Cocteau, qui encouragea
fortement ceux qui firent les piliers de la future Nouvelle Vague, Truffaut et
Godard, à tourner des films.
Anne
Vernon, Daniel Gélin Edouard et
Caroline, 1951
C’est
Annette Wademant qui eut l’idée de Rue
de l’Estrapade, écrivant le scénario en un mois et apparaissant pour la
première fois comme seule auteure au générique. « J’étais vraiment Anne Vernon
telle que vous la voyez et la création réside dans la retranscription. J’ai
quitté un garçon en Belgique sans l’avoir averti, et je suis venu vivre à Paris
rue de l’Estrapade. Un jour comme Louis Jourdan il a monté l’escalier et il a
découvert la chambre. J’ai transposé tout cela qui est une partie de ma vie. »
Daniel
Gélin, Anne Vernon Rue de l'Estrapade, 1953
Il
serait injuste de ne pas citer Casque
d’or auquel elle collabora, malgré que son nom ne figure pas au
générique. En 1954 Annette Wademant travailla pour la dernière fois avec Becker
sur une version du scénario d’Ali Baba et
les quarante voleurs avant d’être engagée par le grand Max Ophüls sur ce
qui allait être le deuxième chef d’œuvre auquel la scénariste participa : Madame de, adapté de Louise de Vilmorin.
Rarement film excella de par une telle sensibilité, un tel rythme et un tel jeu
d’acteurs, allant puiser jusqu’à plus soif dans les méandres complexes et
changeants de la psychologie féminine. Danielle Darrieux y trouva l’un de ses
plus beaux rôles.
S’ensuivit
en 1955 le non moins extraordinaire Lola
Montes dont le rayonnement n’en finit pas de nous éblouir plus d’un
demi-siècle plus tard et pour lequel Annette Wademant signa l’adaptation. Elle
continuera de travailler sur une vingtaine de longs-métrages jusqu’au milieu
des années 70, assurant tour à tour les postes de scénariste et de scripte
(avec notamment Marc Allégret, Yves Ciampi, Michel Boisrond, Henri Verneuil et
Philippe Garrel) avant de se retirer. Ne doutons pas que son importante contribution
au cinéma français ait ouvert des voies parmi les nouvelles générations,
notamment féminines, afin d’occuper les places qui leur sont dues en matière
d’écriture et de renouveau.
Annette
Wademant
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