Vie privée est à l'image de la star
incontournable qu’était Brigitte Bardot en 1961, mise en pâture par les médias
et tentant de se frayer un chemin avec la vie. C'est l'un de ses plus beaux rôles,
elle a parfaitement su jouer de son image, comme pour envoyer un message fort
au spectateur. Il faudra un jour faire sérieusement une étude sur le parcours
autobiographique des acteurs à travers leurs choix de films, comme s'ils en étaient
souvent des auteurs ou des réalisateurs imaginaires, choisissant ceux qui les
mettent le mieux en lumière. De la même manière dans Le mépris, elle joue
avec sa lumineuse beauté magnifiée par la mise en scène de Jean-Luc Godard et
la photo de Raoul Coutard. Il fallait quand même accepter ce risque d'ironiser
avec la perception que les professionnels et le public avaient de Bardot. Je
crois que dans Le mépris elle a tout d'une grande actrice en nous
montrant une femme prisonnière d'elle-même, comme Louis Malle l'avait fait
quelques temps auparavant dans Vie privée.
Vie privée (1961) de Louis Malle
La vérité est probablement son meilleur film.
Elle y montre une véritable profondeur dramatique dans son rôle de jeune femme
victime de sa liberté et de sa sincérité absolue, face à une société rétrograde
qui la réduit en charpie. Ce qui est remarquable dans ce film, c'est la
rencontre entre ces deux géants du cinéma qu’étaient Bardot et Clouzot, ils se
complètent parfaitement, l'un faisant figure de maître face à la comédienne qui
s'aventure dans un registre inhabituel. Dans En cas de malheur, autre
très beau film, Claude Autant-Lara, a bien su saisir lui aussi sa capacité à réinterpréter
son propre personnage pour la mettre au service d'un rôle qui révèle une gravité
qu'on ne lui connaissait pas jusque là.
La vérité (1960) de Henri-Georges Clouzot
Je ne me lasse pas non plus de revoir Viva
Maria, où
Brigitte Bardot s'avère formidable de légèreté et d'humour, ce que l'on oublie
souvent de souligner quand on parle de sa filmographie. Déjà en leur temps des
films estimés mineurs comme En effeuillant la marguerite ou Babette s'en va-t-en
guerre, révèlent
une véritable aptitude à la comédie, et l'actrice s'empare à bras-le-corps de
tout ce qu'elle trouve autour d’elle pour donner de la couleur, du rythme, et
un aspect chaleureux et pétillant à ses personnages. Dans L'ours et la poupée, humiliée face à l’indifférence
de l’ours, campé par Jean-Pierre Cassel, elle n’a cesse de faire preuve d’inventivité
pour tenter de le séduire, et le film, mené tambour battant, doit beaucoup à
son interprète féminine qui virevolte avec un charme et une grâce inégalées
dans le cinéma français.
L'ours et la poupée (1969) de Michel Deville
Elle n'a pas tourné que des chefs d'œuvre, mais
qu'importe. Brigitte Bardot a été un révélateur pour Louis Malle, Jean-Luc
Godard, Michel Deville et Roger Vadim, qui ont su mieux que d'autres cerner sa
véritable personnalité, l'emmener sur des territoires moins courus d'avance.
Les acteurs sont toujours tributaires d'une image de marque dans laquelle on
les enferme, munis d'une étiquette que l'on aimerait bien qu'ils conservent.
Rares sont ceux qui prennent des risques, et encore moins aujourd'hui. A
plusieurs reprises Bardot a essayé de sortir du sex-symbol obligatoire, créé
par Vadim avec Et Dieu créa la femme, et qui l'a poursuivi tout au long de sa carrière
parce que c'était arrivé à un moment charnière où tous les tabous sautaient.
Elle a beaucoup contribué à faire sortir la femme des carcans dans lesquels
elle était enfermée, et ce ton libre a été en même temps un revers de médaille,
ayant suscité beaucoup de haine et de jalousie autour d’elle. Son départ du cinéma
n'y est pas étranger, elle connaissait mieux que quiconque les lois de la beauté
changeante et éphémère, et ceux qui lui proposaient des rôles intéressants
étaient finalement très peu nombreux. Le cinéma au féminin existait encore à
peine, et peut-être faut-il voir dans sa collaboration avec Nina Campaneez (le
dernier film qu'elle tourna fut L'histoire très bonne et très joyeuse de
Colinot Trousse-Chemise) le signe d'un manque profond de compréhension de la part des
réalisateurs. Je crois qu'elle a quitté ce milieu car il ne lui correspondait
plus, qu'il faut y faire une guerre permanente pour conserver son statut, et
qu'elle préférait finalement se consacrer à sa Fondation. Lorsqu'on lui a
proposé quelques années plus tard des rôles enfin à sa mesure, c'était terminé
depuis longtemps, elle avait pris sa décision. Quand Brigitte Bardot se retira,
le cinéma n'existait plus pour elle.
Histoires extraordinaires (1968)
de Louis Malle
La méchanceté qui a été déployée à son égard
toutes ces dernières années est totalement injustifiée. Il est inéquitable et
très réducteur de baisser le rideau sur toute une vie et sur ses combats à
cause d’opinions politiques contestables. On pourrait bannir à ce moment là
une bonne partie d'écrivains, de cinéastes et d'artistes importants encensés
par la critique, qui, en d'autres temps, ont été loin de s'illustrer de manière
exemplaire.
Rappelons
au passage que l’on doit le surnom de B.B à Jean Mounier, l’un des plus grands
chefs de publicité du cinéma français.
Passionnant article et très belle photo de BB en brune, opur un film que je ne connaissais pas. Merci !
RépondreSupprimerIl s'agit du court-métrage "William Wilson", tiré du film "Histoires extraordinaires". Les deux autres courts étant réalisés par Vadim et par Fellini. Celui de Fellini "Tobby Dammit", avec Terence Stamp, est de loin le meilleur. Mais pour qui aime Louis Malle et Bardot, celui-ci est tout de même à voir.
RépondreSupprimerC'est mon père, Jean Mounier qui inventé le sloganBB lorsqu'il a été chargé de lancer Et Dieu créa la femme, j'ai son dossier de travail que j'ai donné à la Cinémathèque où a été créé un fonds jean Mounier.Il était assez amer, de voir son slogan faire le tour du monde sans que son nom ne soit jamais évoqué, je vous montrerai les documents que j'ai à ce propos.Oui, c'était une époque que j'ai bien connue où naissait la femme nouvelle, Sagan,Annabel, Gréco etc...Soixante huit a fait descendre dans la rue cette révolution (car c'en était une)mais les soixante huitards étaient sacrément machos...Il faudra encore du temps. Le mouvement actuel de révolte face aux agressions sexuelles est intéressant et dangereux mais il est justifié. Il faudrait transformer les mentalités des femmes comme des hommes.Les femmes (dont je fus) ne détestaient pas se faire siffler dans la rue mais pas n'importe comment. Il y a des façons différentes de draguer. Quand la drague sympa devient harcèlement pénible. Les hommes dans ma jeunesse m'en ont beaucoup voulu quand je m'opposais "à leur instinct naturel de chasseur" (phrase d'un grand professeur de médecine qui m'est resté en travers de la gorge)
RépondreSupprimerMerci Jacqueline pour votre témoignage. J'avais eu connaissance du B.B par la Cinémathèque et je déplore que le nom de votre père n'ait été jamais cité. Pour changer les mentalités dans les relations hommes-femmes je ne cesse de rappeler l'importance de l'éducation : à l'école, à la maison, dans les arts, la politique, les sciences et dans tous les autres domaines. De plus c'est une affaire de parité, la société étant encore dirigée en grande majorité par des hommes. Les femmes doivent prendre la place qui leur est due.
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