lundi 21 décembre 2020

Cinéastes, au travail !

Comme beaucoup je me pose un certain nombre de questions sur le cinéma à l'heure actuelle. Non pas que la pandémie de la Covid interfère particulièrement sur ma passion pour le 7ème art mais plutôt sur sa représentation, sa manière de le percevoir depuis qu'il a déserté les salles à cause de la crise sanitaire. Jean-Pierre Melville avait curieusement prévu la mort du cinéma en 2020 au profit de la télévision. Fallait-il y voir un parallèle avec la sombre prédiction de Louis Lumière « Le cinéma est une invention sans avenir » ? Les spectateurs auront-ils véritablement changé leurs habitudes depuis que le streaming et Netflix sont apparus dans leurs salons ? Nul ne sait mais je crois qu'il va falloir néanmoins réinventer totalement le langage du cinéma et le débarrasser des chaînes qui le relie encore trop au petit écran de par sa façon de raconter des histoires. Il me semble que la route est encore ouverte pour d'autres manières de voir et d'entendre, pour d'autres perceptions à l'intérieur du langage lui-même. L'industrie s'accommode mal de l'art on le sait mais peut-être est-ce justement là que nous autres cinéastes devons réfléchir et agir. Qu'est-ce que l'identité propre d'un film ? Qu'est-ce que sa vocation, son utilité, son pouvoir d'agir sur nous ? Les histoires doivent-elles indéfiniment être racontées selon les mêmes schémas ? Ou faut-il envisager une toute autre approche comme celle de la musique ou de la peinture ? Le spectateur d'aujourd'hui est-il prêt à regarder et écouter un film comme il perçoit les mouvements uniques de sa propre vie ? Autant de questionnements me traversent l'esprit pour repartir à la découverte du cinéma dont « la première moitié du XXème siècle n'a exploré que des miettes » disait S. M. Eisenstein en 1945. L'État et les institutions ne peuvent pas tout. Les cinéastes doivent aussi s'engager sur le terrain pour que le spectateur continue d'éprouver le désir de voir des films dans les salles. Réinventer le langage, offrir un autre monde avec les films proposés dans les salles obscures me semble être l'objectif pour tout cinéaste à l'aube de 2021. Réenvisager les conceptions du récit, traduire en terme de cinéma pur, quels qu'en soient les moyens, la part d'ombre qui le destine au grand écran m'apparaît aujourd'hui plus que jamais la véritable vocation du 7ème art. Vive le cinéma, cinéastes au travail !

mardi 1 décembre 2020

"Maquillage" (2020) vidéo-clip de Ségolène Point

En cette période tourmentée j’ai tourné ce clip pour rompre avec la morosité ambiante. Tourné à Damgan en Bretagne avec mon actrice fétiche Ségolène Point, ce film amorce les prémisses d’une future comédie musicale sur laquelle je planche. Joyeux automne à tous !



MAQUILLAGE

HD – Couleur – 3 minutes

Chant : Ségolène Point

Réalisation : Bruno François-Boucher

Images : Christian Baudu

Paroles : Colette Servières

Musique Patrick de Falvard

Chœurs et percussions : PdF (Guiro-Shaker-Congas)

Piano : Mauna

Guitare acoustique, rythme : PdF

Guitare nylon lead : Claude B.

Arrangements et mixage : « PdF, home-studio »

(Juillet-Aout-Septembre 2020)

Son : François Le Roux

Merci à Jacques Pasut

 

© 2020 Bon Voyage Films

dimanche 8 novembre 2020

Revoir "Fortunat" (1960) d'Alex Joffé

    Pour avoir revu Fortunat (1960) d’Alex Joffé, force est de constater que ce beau film montre une nouvelle fois l’extraordinaire capacité d’André Bourvil à exprimer une large palette d’émotions et où son degré de gravité atteint ici son point d’orgue. Passant du simplet alcoolique au stade de l’homme mur transfiguré par son amour pour le personnage de Michèle Morgan, c’est peut-être dans la dernière partie du film, lorsqu’il découvre que cet amour ne pourra être partagé, que Bourvil fait éclore sa sensibilité la plus exacerbée. Son visage soudain plongé dans l’obscurité dessine la marque profonde d’une solitude qu’on ne lui connaissait pas. Mieux encore, il réussit à nous toucher au plus profond dans l’acceptation de ce désespoir, l’acteur ne pouvant se résigner au moindre défaut de sincérité qui nous aurait fait entrevoir un happy end des plus convenus.

    L’argument du film, adapté du roman Fortunat ou le père adopté de Michel Breitman, expose une famille de résistants réfugiée à Toulouse sous l’Occupation ayant pour voisins une famille de juifs reclus dans la clandestinité. De l’amour entre les uns et les autres vont se tisser les fils d’un bonheur éphémère, obscurci et anéanti par les heures sombres du nazisme.

    Michèle Morgan, qu’on a trop souvent considéré comme une beauté froide et distante, se délie ici sous la caméra d’Alex Joffé pour faire apparaître, notamment dans la scène de danse, une sensualité échevelée tout à fait bouleversante. Film à revoir sans modération, Fortunat, s’il n’est pas un modèle d’écriture cinématographique, n’en est pas pour le moins un splendide mélodrame qui doit tout aux acteurs et où la vie qui tente de battre malgré tout fait figure d’acte de résistance face aux blessures mortifères de la France occupée.




Le journal de Fahrenheit 451 (1966) par François Truffaut

Dans la lignée de son livre sur Hitchcock et du film La nuit américaineLe journal de Fahrenheit 451, écrit en 1966 par François Truffaut, est une bible précieuse pour tout cinéaste, cinéphile ou amateur de cinéma. On y apprend quasiment tout de la fabrication d’un film durant sa course contre la montre pour le terminer, de la relation aux acteurs, à la technique en passant par les mille et une choses qui amènent un metteur en scène à s’adapter en permanence. Que ce soit sous la pluie ou sous la neige avec d’incessantes contraintes de tous bords, le seul objectif est d’enchaîner le plus rapidement possible les plans du film à tourner. Dans ce train du tournage lancé à grande vitesse, le cinéaste vieillit de deux ans en quelques mois. C’est ainsi que le réalisateur de Fahrenheit 451 résume son expérience éprouvante et quelque peu décevante de cet « étrange film » (sic) tourné aux studios de Pinewood pour Universal. Si les techniques de tournage ont évolué depuis, ce document n’en reste pas moins un outil précieux à l’usage des nouvelles générations. Il nous en dit davantage que n’importe quel making of.



mardi 22 septembre 2020

Isabelle Huppert, message personnel (2020) Documentaire de William Karel sur Arte

Ultra-reconnue mais finalement méconnue, certains l’aiment, d’autres pas. Sa personnalité est faite de ce mystère intérieur qui provoque autant le questionnement que toutes sortes de sentiments contradictoires. Exigeante, Isabelle Huppert prend des risques avec des rôles souvent dérangeants, d’une violence sourde, bousculant l’ordre établi. Elle s’arrête dans ce documentaire sur ses moments clés, commentant elle-même les images. Un choix judicieux d’entretiens et d’extraits de films ponctue sa démarche. Avec ce film-bilan l'actrice nous plonge dans ses secrets d’interprétation. Je crois qu’on n’a pas toujours bien compris Isabelle Huppert parce qu’elle propose une vision peu commune des femmes. N’obéissant pas à ces critères, elle s’explique sur ses choix et sa démarche créatrice. Selon ses propres mots elle exprime « des états ». Elle ne joue pas des personnages « mais des personnes. Un personnage c’est limité, une personne c’est bien plus vaste ». L'actrice s’attarde plus particulièrement sur Claude Goretta, Claude Chabrol, Maurice Pialat, Michael Cimino, Jean-Luc Godard, Benoît Jacquot, Werner Schroeter, Laurence Feirrera Barbosa et Michael Haneke, cinéastes qui lui ont permis d’élargir le champ des possibles. 


mercredi 9 septembre 2020

Un soupçon d'amour (2020) de Paul Vecchiali

Un soupçon d’amour est un délicieux moment de cinéma, le grand et beau film d’un jeune cinéaste de bientôt 90 printemps. Une histoire dense et émouvante, un film où chaque image, ciselée, prend son sens dans une forme qui nous est peu offerte de nos jours. Dédié à Douglas Sirk, le film exprime et développe en profondeur le monde complexe des sentiments dans une passionnante plongée au cœur de l’âme humaine, de ses beautés et de ses méandres. Toute une vie défile sous nos yeux à travers un habile enchevêtrement de situations où le passé refait surface dans un présent toujours reconsidéré. C’est de véritable compassion et de compréhension pour les êtres dont Vecchiali nous parle. Film rempli de tiroirs secrets, le drame qui s’y joue sous sa plus pure forme romanesque nous fait revenir  aux grandes heures du cinéma français, grâce en premier lieu à la magie des acteurs : merveilleuses Marianne Bassler et Fabienne Babe sans oublier Jean-Philippe Puymartin. Le temps s’enfuit dans une Provence lumineuse où les jardins ressemblent à des tableaux de Jean-Charles-Joseph Rémond et les intérieurs à des clairs-obscurs, dans une valse qui  tourne entre incertitudes, déchirements et éclats de bonheur. Le plus incroyable est que le film ait été tourné en 9 jours et qu’on a l’impression d’un temps de tournage étendu sur plusieurs semaines. À l’heure où l’on se demande que sont devenus les grands cinéastes français, Paul Vecchiali nous réveille de notre léthargie pour nous offrir l’une des plus belles surprises de ces dernières années. Maîtrisé d’un bout à l’autre, doté d’une magnifique photographie de Philippe Bottiglione (il est incompréhensible que le cinéma ne fasse pas plus souvent appel à lui) il serait également injuste de ne pas mentionner la belle bande originale de Roland Vincent, musicien rare qui a su apporter une deuxième écriture au film. Composée avant le tournage, la musique inspire le cinéaste dans sa mise en scène et c’est le film entier qui vient à nous, nous attrape, nous saisit comme un coup de tonnerre notamment dans sa dernière séquence, sublime, et qui remet en question tout ce à quoi nous avons assisté. S’il y a un film à voir en ce moment c’est bien Un soupçon d’amour de Paul Vecchiali.

mercredi 2 septembre 2020

Autant en emporte le vent (1939) de Victor Fleming

Impressionnant de par l’ampleur de ses moyens, la qualité et la fluidité de sa mise en scène, pas le moindre petit détail ne lui échappe. Le plus grand mélodrame de l’Histoire du Cinéma tient encore sacrément le coup 80 ans plus tard. Si l’entreprise surprend toujours pour sa beauté formelle et le réalisme de certaines séquences (la fuite des habitants d’Atlanta avant l’arrivée des nordistes) c’est la modernité et la puissance d’interprétation de Vivien Leigh qui frappe avant tout. Le personnage de Scarlett O’Hara était une partition géniale que la jeune actrice alors âgée de 29 ans a transcendé. On sait que Vivien Leigh après avoir lu le roman lors de sa parution en 1936 s’est immédiatement identifiée au destin du personnage. Elle embarqua pour les Etats-Unis dès qu’elle sut le film en préparation, persuadée d’emporter le rôle de Scarlett. 

La magnificence des décors de Lyle Wheeler, les somptueux costumes de Walter Plunkett et la splendide photographie de Ernest Haller et Ray Rennahan continuent de nous éblouir. L’émotion, intacte, parcourt le spectateur tout au long des passionnantes 3h 40 de projection. Il ne faut pas oublier, rappelle Olivier Eyquem, la contribution majeure du production designer William Cameron Menzies. Il a peint chaque plan et son travail était si minutieux qu'ils « suffisait » de suivre ses indications. C'est lui qui avec Selznick a donné au film son unité. Lyle Wheeler, son directeur artistique, est devenu un pilier de la Fox où il a contribué à quantité de grands films.

Il serait vain et stupide de vouloir limiter le film à une vision raciste et rétrograde qui faillit aboutir récemment à son interdiction. Remercions Spike Lee dont on connaît la dureté de l’engagement de s’élever contre une telle aberration. Lee insiste à juste titre pour que le film soit montré dans les écoles pour ses qualités cinématographiques et aussi comme témoin d’une vision de l’esclavage dans l’époque où il a été tourné afin d’alerter la conscience des jeunes générations tout en mesurant l’importance du chemin parcouru dans les films depuis.




lundi 10 août 2020

Mon île Farö (Farö document ) (1979) d’Ingmar Bergman.

L’Histoire de l’île, ses traditions, la vie de ses habitants, agriculteurs, pêcheurs et aussi celle des jeunes qui avaient déserté l’île durant leur adolescence pour finalement y trouver un sens à leur existence. Tourné en 16 mm, dix ans après le premier volet d’avril 1969, le cinéaste fait le point sur Farö et filme les objets et les gens avec l’attention d’un entomologiste. Retour aux sources pour le réalisateur des Fraises sauvages qui s’extrait de la fiction pour mieux observer encore, rendre compte du mouvement de la vie, des êtres humains, des animaux. Le paysan qui écrit des poèmes pour trouver l’apaisement, la tonte des moutons, l’histoire de la sœur disparue, sont autant de moments où le cinéaste ne cesse d’éprouver le désir filmer avec toujours une soif de curiosité, accompagné des magnifiques images de Arne Carlsson, collaborateur de Andreï Tarkovsky et de Sven Nykvist sur les derniers Bergman. Il faut voir comment l’artiste croque la vie qui se déroule sous ses yeux avec un art du montage sans pareil. Le documentaire est cinéma, il en retrouve même sa vocation première. La séquence sur la plage avec les touristes est à ce titre exemplaire. L’alternance des plans, des visages et des images de nature nous éblouit de par sa fluidité. On sait que l’auteur de Persona a vécu sur l’île, il en connaît les moindres recoins, et son engagement avec les habitants pour la préservation du lieu prend ici une valeur politique. Le pouvoir des images, la précision du commentaire et le sens des paroles enregistrées font de ce film un véritable objet cinématographique tout aussi essentiel que les autres œuvres de Bergman. 


Farö document (1979) d'Ingmar Bergman

dimanche 9 août 2020

Ennio Morricone (1928-2020)

Je devais être en CM 2 lorsque je vis passer à la récré un disque vinyle qui m'intriguait : Le 33 T des bandes originales de deux films dont j'ignorais tout : Per un pugno di dollari et Per qualche dollaro in più



Au vu de l'émotion et du succès procurés par cet album qui passait de mains en mains depuis plusieurs semaines, je réservai mon tour pour l'emprunter. Le jour J, le précieux sésame arrivé à destination je restai fasciné par les dessins sur la pochette, notamment celui d'un acteur dont j'ignorais également tout, Clint Eastwood. À 17 heures pétantes je filai à la maison pour poser le disque sur la platine des parents qui ne savaient rien non plus du compositeur. Les sons qui en sortirent me saisirent dès le premier instant. Guitares, sifflets, voix, guimbardes, carillons, violons rompaient avec les autres bandes originales que j'avais entendues. Le disque passa en boucle dans la maison pendant 8 jours avant que je ne le rende, à regrets, à son propriétaire. 




Un nouveau monde s'ouvrait où la musique d'Ennio Morricone allait faire naître de premières images en moi ainsi que le désir de filmer. Il en fut de même avec une grande partie des albums du compositeur que j'achetai au fur et à mesure, constituant à ce jour une collection de plus de 300 bandes originales de Morricone sur les 500 qu'il a composées. Il est impossible de résumer la carrière de l'artiste en quelques titres. Des films parfois totalement inconnus recèlent de véritables perles musicales. Avec Ennio Morricone la musique de film entra dans une ère où elle pouvait s'écouter séparément de l'œuvre cinématographique comme on pouvait écouter Verdi, les Pink Floyd ou Pat Metheny. Écouter des musiques de films aujourd'hui est aussi courant que d'écouter n'importe quel autre genre d'album. Morricone a été à l'origine de l'immense popularité de cet art à part entière.

 

jeudi 6 août 2020

Éloge des salles de cinéma

 Le désir de voir un film en salles naît d'abord de cette curiosité, seul ou à plusieurs, de faire un trajet comme l'on part en voyage ou à la rencontre d'un ami. Aller au cinéma comme aller au théâtre ou au concert, c'est partir de chez soi pour un moment unique dans un lieu abrité de l'agitation du monde. Une salle de cinéma est un lieu d'émotion pure.

Choisir un film pour aller le voir au cinéma c'est être curieux de tout. C'est être interpellé par un sujet, un acteur, quelque chose que l'on voudrait regarder et écouter au plus près de notre attention, un quelque chose d'inédit qui n'existe pas sur le petit écran chez soi. 

Aller voir un film au cinéma c'est changer ses habitudes et son regard, c'est comme s'arrêter au musée devant un tableau qu'on ne connaissait pas et tenter d'en pénétrer le mystère.

Entrer dans une salle de cinéma n'est pas une intention anodine. Elle tient de cette chose inconnue et nécessaire entre deux moments de vie où l'on va plonger dans le regard d'un artiste qui va peut-être changer nos perspectives : une couleur, une musique, un paysage, un personnage vont peut-être nous surprendre. Nous ne les connaissons pas, ils sont uniques, éphémères, irréels et pourtant ils s'adressent à nous, à la profondeur de nos âmes. C'est une expérience à chaque fois inédite. La tenter c'est ouvrir son champ de vision à d'autres fenêtres que celles de notre rue, c'est partir à la découverte d'autres mondes. Si l'on veut bien faire ces voyages non loin de chez nous, on verra au fond qu'aucun film ne ressemble à un autre. Ils sont tous uniques, telles les nouvelles heures qui passent. Le cinéma c'est la magie des ombres et de la lumière qui peut être sans cesse renouvelée, c'est la surprise du tour de prestidigitation qu'on n'attendait pas et qui vous saisit par surprise.

Au cinéma l'on peut découvrir des histoires jamais contées, des paysages jamais traversés, des êtres jamais rencontrés. Au cinéma l'on apprend. À mieux se connaître, à mieux connaître l'autre, à mieux revenir dans sa vie. 

Au cinéma durant ces deux heures que vous offrez à l'inconnu aussi bien qu'à vous-même, c'est une chance de plus de collectionner des souvenirs à jamais gravés.


 



Une vidéo pour comprendre les enjeux de toute une profession cisaillée par la crise du Covid. Réinventons-nous, n'orientons pas exclusivement nos goûts vers les blockbusters et sauvons les salles en allant au cinéma !


samedi 1 août 2020

Alan Parker (1944-2020)

Son empreinte visuelle a marqué mon inspiration depuis ma vision de The Wall en 1982. Film splendide, d'une force émotionnelle incroyable et qui réussissait ce mariage entre les images et la musique des Pink Floyd pour en faire une sorte de film-album. La même année, le méconnu Shoot the moon avec Albert Finney et Diane Keaton renforça mon admiration pour le fameux réalisateur de Midnight express et de Fame.  L'utilisation de l'espace, des cadrages et de la lumière apportait une dimension supplémentaire aux jeu des acteurs dans cette déchirante histoire de séparation. Birdy (1984), Angel heart (1987), Mississipi burning (1988), aux sujets brûlants, alliaient le cinéma de genre avec le film d'auteur ce qui m'a toujours semblé l'une des meilleures lignes à adopter. Si ses derniers films déçurent, l'adaptation cinématographique de la comédie musicale Evita (1996) n'en comportait pas moins de grands moments de cinéma avec une étonnante Madonna dans le rôle titre. Alan Parker ne tournait plus depuis de nombreuses années après l'échec injuste de La vie de David Gale en 2003. Retiré des plateaux, enseignant le cinéma aux nouvelles générations, le réalisateur resta marqué par son expérience douloureuse à Hollywood. Les choix courageux qu'il fit avec certains films (sa vision sans concession de l'exclusion sociale dans Les cendres d'Angela, 1999) l'éloignèrent du public. Le silence qui s'ensuivit fit oublier qu'il compta parmi l'un des cinéastes majeurs des dernières décennies.




mardi 30 juin 2020

Le ciel, la terre et l'eau (2020)

En revoyant le film d’Yves Robert Alexandre le bienheureux (1967) dont la musique de Vladimir Cosma m’évoqua la douceur des années 60, je fus surpris de redécouvrir au générique la chanson : « Le ciel, la terre et l’eau » interprétée par Isabelle Aubret. Ce titre sorti du temps, profondément nostalgique et empreint de grâce, semblait apporter un vent de fraîcheur dans notre époque cynique et désespérée. 
J’ai proposé à la comédienne Ségolène Point de réinterpréter cette chanson avec un nouvel arrangement. Elle a eu l’idée d’y introduire une harpe accompagnée d’une contrebasse et l'enregistrement a été réalisé par François Le Roux.
Envisager un clip n’était pas chose facile. Comment reproduire l’état de grâce sans paraître « cliché », comment tourner des images à la fois réalistes et poétiques, comment contourner les évidences, les banalités.
Après avoir écrit un premier script qui était un véritable engagement contre la pollution et les incivilités, nous n’étions pas convaincus que c’était la bonne marche à suivre pour cette chanson. Pourquoi ne pas évoquer la nature en se laissant aller à l’improvisation dans les décors choisis en Bretagne, pourquoi ne pas partir en toute confiance à la recherche du chemin perdu des états de grâce ? 
Avec le chef opérateur Christian Baudu l’idée d’un storyboard fut troquée contre celle de l’aventure. Nous n’avions besoin que de notre chanteuse-comédienne, de lieux que nous connaissions, d’une gamme étendue d’objectifs et d’un drone pour filmer au-dessus de l’océan ; le seul impératif étant de tourner entre 17 heures et 22 heures, heure magique pour la lumière. Une fois le stylisme établi, Ségolène Point proposa l’excellente idée de tourner une séquence avec des chevaux pour dynamiser le projet. 
La journée de tournage fut au-delà de nos espérances et les moments de vie s’emboîtèrent en parfaite cohésion avec la chanson, son rythme, son propos et ses couleurs. Plus d’une heure de rushes furent tournés pour 2 minutes 30 de film. L’émotion fut au rendez-vous devant les images tournées, la magie avait fonctionné.  Le montage s'ensuivit aussi rapidement que les prises de vues et le clip est maintenant prêt à s'envoler là où le ciel, la terre et l'eau le porteront. 





Le ciel, la terre et l’eau
Interprété par Ségolène Point
Réalisé par Bruno François-Boucher
Paroles de Francis Lemarque – Musique de Vladimir Cosma
Images et montage : Christian Baudu
Couleur HD – 2 minutes 30



© 2020 Bon Voyage Films Productions

vendredi 24 avril 2020

Lettre d'un cinéaste confiné (2020)

Suite à l’appel de la Cinémathèque Française demandant à tous les réalisateurs de témoigner de leur confinement dans un film court fait avec les moyens du bord, même un téléphone, j’ai écrit un scénario sous forme de lettre. Je me trouvais à ce moment-là chez ma mère en Vendée dans une maison avec un jardin. Comme je n’avais pas de banc de montage à disposition il me fallait tout tourner en plan séquence.


Dès que tout a été bien répété (décor, accessoires, mouvements et cadrages) J’ai commencé à faire les premiers essais. Comme je n’avais pas de micro à disposition, le problème de ma voix en off se posait. Il me fallait parler très près du téléphone pour que la voix soit distincte tout en contrôlant les mouvements. Une fois ceci résolu j’avais aussi le souci de la lumière pour passer du jardin à l’intérieur de la maison. La seule heure intéressante en avril était après 17h pour bénéficier d’un soleil rasant et que les objets dans la pièce soient suffisamment éclairés.


Après une après-midi d’essais j’ai commencé à tourner le lendemain. Le plan séquence était un panoramique de 360° qui durait exactement 5 minutes. J’ai dû replacer en cours de route certains accessoires pour être synchrone avec le texte et bénéficier de la dynamique nécessaire. Le plan séquence fut terminé au bout de 16 prises, juste avant que le soleil ne disparaisse derrière les nuages. J’ai essayé de faire mieux une 17e prise le lendemain mais au vu des premiers rushes, la 16ème prise était de loin la meilleure.


Trois jours après avoir envoyé le film j’ai eu la surprise de recevoir un mail de la direction de la Cinémathèque, Costa-Gavras, Frédéric Bonnaud et Xavier Jamet, qui me remerciaient pour le film qui les avait touchés et émus. Le voilà à présent sur la plateforme au milieu d’un florilège de films envoyés par des cinéastes dont Jean-Louis Trintignant qui nous fait le plaisir d’y lire des poèmes. 

Cette aventure m’aura prouvé une fois de plus qu’on peut tourner des films avec un rien quand on veut et où on veut. C’est le privilège des réalisateurs d’aujourd’hui. La contrainte suscite toujours l’imagination.



Lettre d’un cinéaste confiné (2020)
Écrit et filmé par Bruno FRANÇOIS-BOUCHER
Durée : 5 minutes
HD – Couleur

© 2020 Bon Voyage Films Productions - La Cinémathèque Française

jeudi 13 février 2020

Douche écossaise (2020)

La dispute tourne au vinaigre entre Sandrine et Raphaël et la jeune femme s’enfuit en voiture à l’autre bout de la France. Quand elle découvre en chemin que la vie de Raphaël cachait une toute autre histoire, Sandrine se retrouve bientôt aux prises avec de dangereux braqueurs. Elle a bien l’intention de se débarrasser ! C’est le pitch de mon troisième long-métrage tourné à l’été 2018. Ecrit, produit et réalisé en un temps record, ce film renoue avec le cinéma de genre que j’ai pu déjà pratiquer sur des courts-métrages. L’idée était de tenter l’aventure du divertissement pur avec beaucoup de légèreté, après deux films d’inspirations plus dramatiques et moins faciles d’accès pour le public. J’ai aimé ce ton comme il existe dans les petits films indépendants et qu’on peut tourner en totale liberté. L’aventure du numérique le permet aujourd’hui avec ses petites caméras et son matériel léger. Avec ce film j’offre aux spectateurs un moment sans ennui, drôle je l’espère et accessible à tous. 

Ségolène Point

Nicolas Herman

Vincent Crouzet




Bande annonce


DOUCHE ÉCOSSAISE
France, 2020
70 minutes
Couleur, Scope
Production : Bon Voyage Films
Réalisation : Bruno François-Boucher
Avec : Ségolène Point, Nicolas Herman, Vincent Crouzet, Stephen Szekely, Samuel Charle, Madeleine Point, François Le Roux
Scénario : Ségolène Point, Bruno François-Boucher
Image : Gaetan Borne
Montage : Lucas Le Roux
Musique : Neil Factory
Distribué par Bon Voyage Films
Sortie le 18/02/2020

© 2020 Bon Voyage Films

vendredi 7 février 2020

Nana et les filles du bord de mer (2020)

Avant première hier soir de Nana et les filles du bord de mer de Patricia Bardon, un de ces films faits avec les mains et le coeur en dehors des circuits traditionnels. La réalisatrice, déjà auteur de plusieurs moyens métrages et de L’homme imaginé avec Jacques Spiesser, nous offre ici une balade amoureuse en forme de chassé-croisé ayant pour cadre la petite ville du Crotoy en baie de Somme. Images lumineuses, comédiens de choix, mise en scène carrée aux accents d'Eric Rohmer, Patricia Bardon évoquant aussi son goût pour Aki Kaurismaki dans le passionnant entretien qu'elle donna à l'issue de la projection. Louons le courage de la cinéaste d'avoir su porter sur ses épaules un film dont elle assura la totale responsabilité, de la production jusqu'au montage final. Ce sont ces films-là qui nous touchent, de par leur authenticité en dehors des formatages. Découverte aussi d'une comédienne exceptionnelle, Sofiia Manousha, dont la présence irradie l'écran par sa personnalité aussi intrigante qu'attachante. Le film est fait de ces petits riens de la vie où le temps passe entre désirs et désillusions au coeur d'allers et venues sentimentales fort bien agencées. L'humour n'y manque pas, venant contrebalancer les questionnements des uns et des autres en ces temps où garçons et filles tentent de se frayer un chemin pour trouver leur part d'identité. Les séquences inspirées de danses et celle de la pêche aux crevettes viennent agrémenter un scénario précis aux personnages particulièrement bien dessinés. Soulignons également la belle bande originale d'Arno qui n'est pas sans rappeler le tandem Jim Jarmush-Tom Waits. Patricia Bardon prendra son baluchon pour accompagner son film dans les salles indépendantes, espérant vous y croiser. Vous ne regretterez pas le voyage.


Sortie en salles le 12 aout 2020


jeudi 6 février 2020

Kirk Douglas (1916-2020)

Quelle vie et quel acteur extraordinaire ! Kirk Douglas est parti hier soir à 103 ans. Quand j'étais gamin on voyait souvent ses films sur la télé en noir et blanc : La captive aux yeux clairs (The big sky), Le champion, Le reptile, L'homme qui n'a pas d'étoile (The man without a star, Les ensorcelés (The bad and the beautiful, Règlement de comptes à OK Corral (Gunfight at the OK Corral), Une corde pour te pendre (Along the great divide), Sept jours en mai, L'arrangement, Les Vikings... Avec la géniale voix française de Roger Rudel (1921-2008), indissociable pour nous du héros de Spartacus. Ces films étaient aussi bons que l'acteur et ils participèrent largement à mon éducation cinématographique. Plus tard la Cinémathèque m'offrit Seuls sont les indomptés (Lonely are the brave), Chaînes conjugales (A letter to three wives, La griffe du passé (Out of the past),  La vie passionnée de Vincent Van Gogh (Lust for life), Histoire de détective (A detective story), Furie (The fury) de De Palma et bien sûr l'unique Les sentiers de la gloire(Paths of glory) que Douglas produisit pour un jeune cinéaste inconnu dont il admirait le talent, nommé Stanley Kubrick. Il est impossible de résumer sa filmographie riche de près de 100 films et qui comporte pas moins de 30 chefs d'œuvre.
En 1988 nous découvrions son incroyable autobiographie Le fils du chiffonnier, livre et histoire de vie magnifiques Si des amis ont eu la chance de le rencontrer, je ne peux pas en dire autant, ayant loupé son passage dans les Pyrénées lorsqu'il y tourna Veraz dans les années 90. Ajoutons que l'acteur s'engagea pour de nombreuses et nobles causes et qu'une belle étoile brillera dans le ciel cette nuit.

La vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956)
de Vincente Minnelli

samedi 25 janvier 2020

Angel Heart (1987) d'Alan Parker

Je n'avais pas revu Angel Heart depuis longtemps, sa restauration en fut l'occasion. Film phare des années 80 souvent considéré comme le meilleur d'Alan Parker, il conserve une atmosphère oppressante et un fort impact sur le spectateur. De Niro est impeccable et Charlotte Rampling toujours géniale. Quelques réserves cependant sur le jeu un peu outré de Mickey Rourke, certes excellent, mais pas toujours tenu par Parker et sur certains tics gênants dans la réalisation. L'abus des plans cut, du montage alterné, d'un jeu d'effets avec la lumière et les objectifs datent quelque peu le film malgré tout le talent du réalisateur de Birdy. Autre chose aussi, je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui dès la première vision le spectateur n'ait pas compris relativement tôt qui est Johnny Favourite. Il n'en reste pas moins une oeuvre forte qui nous fait regretter le silence du réalisateur depuis 2003.

 Mickey Rourke dans Angel Heart


jeudi 16 janvier 2020

1917 (2020) de Sam Mendes

Très, très beau film. Une immersion aux portes de l'enfer, une sorte de poème lyrique sur l'absurdité de la guerre dont on ressort soufflé tant l'intensité dramatique demeure intacte durant les deux heures de projection. La caméra accomplit une traversée époustouflante, 70 ans après La corde d'Hitchcock qui fut le premier à utiliser l'illusion de tout un film en plan séquence. En opposition à tout effet de style, ce procédé ici totalement justifié nous prend à la gorge pour accompagner le point de vue en temps réel du personnage principal au fur et à mesure que les événements se présentent à lui. Un tour de force qui donne au film une empreinte saisissante, très loin des blockbusters et des films de guerre traditionnels. Au milieu des décombres, des morts et des charniers, certaines séquences sont plus proches du cinéma de Wajda que des Sentiers de la gloire ou du Soldat Ryan comme on a pu le dire. C'est du très grand cinéma, d'une profonde humanité, porteur d'un message sur la folie des hommes qui fait écho à la période que le monde traverse actuellement.