Godard fait partie de ces
cinéastes qui sont pour moi un mystère, quelque chose d'impalpable. J'ai
découvert Godard à travers ses écrits, dans un livre préfacé par Jean Narboni qui
réunissait la plupart de ses articles du temps des Cahiers. Ces écrits m'ont
fasciné. Ils étaient comme des sortes de films, gustatifs, incroyablement
riches de sens, révolutionnaires, abordant le cinéma comme personne ne semblait
l'avoir fait auparavant. Il y parlait de Faulkner, de Shakespeare, des grands
maîtres de la musique, de la peinture, tout en analysant un film de Nicholas
Ray ou de Samuel Fuller.
Certains articles ressemblaient même à des scénarios.
L'un d'entre eux, par exemple, décrivait une rencontre avec son ami Rohmer sur
le boulevard St Germain en 1952, alors que ce dernier tournait Les petites filles modèles et que Godard
s'en étonnait. C'était plus que du journalisme, c'était carrément un dialogue à
la Beckett. Et puis je me souviens de tous ces films décrits et analysés de
manière inspirée, ce qui fut une vraie révélation, m'invitant non seulement à
les découvrir et à mieux les comprendre, mais surtout à refaire entièrement mon
éducation comme si je me libérais d'un coup de tout un conditionnement à la
fois social, artistique et philosophique. Puis ce fut la découverte de ses
films que j'avalai un à un à la Cinémathèque de Chaillot puisqu'alors ils
n'étaient jamais diffusés à la télévision française. Parmi ses chefs d'oeuvre
qu'on ne cite jamais : Vivre sa vie,
un film bouleversant en plusieurs tableaux qui fait penser à une oeuvre de
Dreyer.
Vivre sa vie (1961)
Puis la TV produisit et diffusa France,
tour détour, deux enfants. Débuts d'une sorte d'anthologie de l'Education,
aujourd'hui oubliée, mais qui prouva l'extraordinaire impact des images sur l'évolution
des consciences. Je place aussi haut Godard que Woody Allen, malgré que je ne
le suive pas sur tous les terrains, notamment celui de la politique. Il y a une
réponse de lui que j'adore à cette question « J.L Godard, qu'est-ce que
pour vous un succès ? » - « Je considère déjà comme un succès
d'arriver le matin à enfiler mon pantalon ».
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