samedi 10 avril 2021

Revoir "Taxi driver " (1976)

Revoir le film assène un nouveau coup de massue parce que l'œuvre est admirable et que le temps passé depuis sa sortie lui donne un nouvel écho. À travers l'histoire d'une dépression, celle que traverse le personnage de Travis Bickle interprété par Robert De Niro, c'est toute une plongée dans le mal-être et les maux d'une société américaine dont le rêve s'est éteint depuis longtemps, a-t-il finalement jamais existé. Bickle est un mort-vivant qui émerge des laissés-pour-compte, en proie à une telle désespérance que c'est un combat entre la vie et la mort que Martin Scorsese nous dépeint. Au fur et à mesure que les pauvres éclats de lumière s'éteignent, il ne reste plus que des pans de ténèbres dans lesquels le film s'enfonce peu à peu. Quelle force faut-il extirper en soi pour échapper à la nuit, quelle motivation trouver pour vivre, comment l'extraire du fond de la mine... La force du film est de la faire apparaître à travers le personnage de Jodie Foster que Bickle parvient à arracher aux ténèbres de la maltraitance. Taxi driver est un film en permanence sur le fil du rasoir. Tantôt l'on bascule vers le point de non retour, tantôt c'est un éclair de survie qui jaillit, irrationnel, où l'on est maintenu en vie par la seule grâce divine. Beaucoup de séquences sont très émouvantes, de par le lien qui unit Iris-Jodie Foster et Travis Bickle, et dans la manière dont le personnage de Betsy-Cybill Shepherd est amené par le scénariste Paul Schrader. On oubliera pas de si tôt les plans de fin de Betsy dans le rétroviseur, images entourées d'un halo à la dimension quasi mystique. L'œuvre prend une nouvelle perspective dans l'époque que nous traversons, où désespérance et instinct de survie se côtoient. C'est d'abord et avant tout un film sur les rapports de classes, les murs qui les séparent ne se sont qu'encore davantage épaissis dans nos sociétés modernes. Le traitement musical fait penser à une partition de jazz éclatée, ce qui renforce le sentiment d'un cri qui n'en finit pas pour ne s'achever que dans les dernières images lors de l'ultime rencontre entre et Cybill et Bickle. Moment unique d'apaisement avant que le générique nous fasse replonger dans une nouvelle et interminable nuit. La partition géniale de Bernard Herrmann, qui fut sa dernière, enveloppe le film entre battements de tambour, cymbales, basses et saxophone et le thème d'une beauté à couper le souffle semble tirer un rideau définitif sur un monde d'avant à jamais disparu.






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