Lorsque
vers 12-13 ans je commençais à m’intéresser sérieusement au cinéma, je
m’aperçus en consultant les livres et les génériques que les réalisatrices
étaient quasiment inexistantes. Le seul nom qui figurait dans le Larousse de
l’époque était celui d’Agnès Varda, compte tenu sans doute de sa contribution à
la Nouvelle Vague. Mais Agnès n’était pas l’une des cinéastes de ce mouvement,
elle était LA Nouvelle Vague puisque son premier film La pointe courte datait
de 1954, donc avant l’arrivée de Truffaut, Godard, Chabrol et Rivette.
M’intéressant de plus près au cinéma des femmes c’est avec bonheur que je
découvris Le bonheur (1964) d’Agnès,
encore et toujours, et, au hasard des programmations TV, Le secret du chevalier d’Éon (1959) d’une certaine Jacqueline
Audry, autre pionnière dont je vis plus tard tous les films. Puis ce fut le
magnifique Galillée (1968) de Liliana Cavani qui révéla aussi pour moi le nom
d’Ennio Morricone. Il ne m’en fallut pas davantage pour déguster les
merveilleuses Petites marguerites
(1966) de Vera Chytilova et l’oublié et sensible Cati (1965) de Marta Meszaros lors des séances du ciné-club de
Claude-Jean Philippe. Je m’intéressai aussi à Alice Guy et à Germaine Dulac,
premières femmes à s’être emparées d’une caméra à la période du muet, et à Ida
Lupino aux Etats-Unis dont il était encore difficile de voir les films. Son Outrage dénonçait en 1950 le viol et The bigamist, en 1952, dressait un
portrait sans concession du couple.
Alice Guy-Blaché (1873-1968)
Nous
étions alors en plein mouvement féministe et les réalisatrices commençaient à
émerger de toutes parts: Lina Wertmuller et Liliana Cavani en Italie,
Margarethe Von Trotta, Helma Sanders-Brahms en Allemagne, Chantal Ackerman en
Belgique, Coline Serreau en France, dont le cinéma engagé avec le documentaire Mais qu’est-ce qu’elles veulent ?
(1975) abordait la condition des femmes.
Si
je me suis intéressé au cinéma des femmes c’est parce qu’il constituait un
contre pouvoir à l’hégémonie masculine. Son regard différent, dérangeant,
résonnait en moi comme un cri. Pour preuve le bouleversant Wanda (1970) de Barbara Loden, sorte de road movie louant le désir
d’émancipation et de liberté de la cinéaste qui se mettait en scène elle-même.
Ce fut aussi le cas de Christine Pascal dans le très beau Félicité (1979), film de mise à nu hélas très méconnu et que je
programmais dans mon ciné-club.
Christine Pascal (1953-1996)
Cet
engouement ne m’a jamais quitté, étant toujours prêt à défendre le cinéma de
l’une ou de l’autre et travaillant la plupart du temps avec des scénaristes
femmes. Je n’oublie pas non plus que Nelly Kaplan (dont le décapant La fiancée du pirate, 1969, est à
revoir) et avec laquelle j’ai eu la chance de collaborer à mes débuts, m’a
encouragé à faire mon premier court-métrage.
En
ces temps de bouleversements et de remise en question, le cinéma au féminin
mérite plus que jamais notre attention. Je ne saurai que conseiller d’être
attentif aux films qui sortent fabriqués par des femmes, parce que c’est un
regard que nous connaissons trop peu au cinéma et que ce regard nous aide à
progresser.
Claudia Llosa, réalisatrice de Fausta (2009)
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