mardi 3 octobre 2017

La Bible (1966) de John Huston sur Arte

Le seul film du réalisateur que je n’avais jamais vu et dont j'ai toujours entendu pis que pendre. La découverte fut pour le moins pittoresque. Cette curieuse et ambitieuse production Dino de Laurentiis suit de près des représentations iconographiques de la Bible, Dieu n'étant présent qu'en voix off (avec l’humour des Don Camillo en moins) et bizarrement interprété par le même acteur qui double l’ordinateur Hal 9000 dans 2001, l’odyssée de l’espace. C’est assez effrayant et l’on attend le moment ou Adam va le déconnecter.
Sorte de film expérimental qui ressemble à la fois à un péplum italien des années 60 (Caïn et Abel y sont dignes d’ Hercule contre Maciste et à un film de Jodorowsky, c'est à ma connaissance du jamais vu. La photo en 70mm de Giuseppe Rotunno (l’opérateur de Fellini) est superbe, mais John Huston qui joue Noé semble se moquer de lui-même à force de grimaces. On se croirait presque dans Sa Majesté Minor de Jean-Jacques Annaud.
L’épisode des animaux entrant dans l’arche de Noé est assez amusant. De réunir dans le même plan une girafe, un éléphant, une tortue, un kangourou, un lama, des flamants roses, un ours, des autruches, des pingouins (étonnamment arrivés en Méditerranée) et des pélicans sans avoir eu recours à l’époque au numérique fut n’en doutons pas un exploit. Le déluge évoqué depuis l’intérieur de l’arche est assez bien géré et il inspira semble-t-il Daren Aronofski pour son récent Noé. Cependant les moments humoristiques conçus pour égayer l’atmosphère entre deux moments philosophiques semblent soudain surréalistes, plus proches du Livre de la jungle de Disney que de la Genèse.
Séquence impressionnante de la tour de Babel (la tour de Babybel comme on disait à l’école) ou quelques milliers de figurants non numériques nous ramènent au temps de l’âge d’or du cinéma.
La variété des paysages filmés laisse rêveur quant aux voyages autour du globe que firent les cinéastes pour venir à bout de leur périple. George C. Scott dans le rôle d’Abraham semble attendre impatiemment de jouer le général Patton dans le film du même nom, mais grâce à Dieu il se console dans les bras de Sarah campée par Ava Gardner.
Un peu d’action et retour au péplum avec la bataille de Damas autour de Cinecitta mais Huston n’est pas King Vidor, décidément indépassable avec Salomon et la reine de Saba. La suite de l’histoire d’Abraham en terre promise de Canaan jusqu’à la naissance d’Isaac prend soudain une teneur assez sombre, pasolinienne, qui tranche avec le restant du récit. Sarah/Ava Gardner semble se transformer en Médée sur une musique d’Ennio Morricone digne de Stauckhausen et là aussi c'est de l'inédit.
Huston semble plus inspiré par l’éducation d’Isaac et le renoncement d'Abraham au sacrifice de son fils, scène qui fait froid dans le dos sous la voix de Hal 9000. Puis le film s’achève enfin, coupant court avec le reste de la Bible. Sans nul doute le cinéaste a-t-il eu raison. Pour nous conter la suite du livre il eut fallu plus de douze heures de film et d'effets spéciaux très sixties auxquels nous avons échappé, avec tout le respect que je dois à Carlo Rambaldi, futur créateur d'E.T, et au réalisateur du Trésor de la Sierra Madre et des Misfits. Pour cinéphile averti qui en vaut deux.

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